Fin du bras de fer? Depuis quelques jours, tout semblait aller mieux sur le front de la réforme de l'apprentissage. Divisés sur le sujet, le patronat (Medef et CPME) et les régions de France s'opposaient publiquement, depuis plusieurs semaines, dans le cadre de la concertation lancée en décembre par le gouvernement. Le nerf de la guerre : la question du financement et de la gestion de l'apprentissage. Le duel s'enlisait et était même venu polluer la négociation sur la formation professionnelle, le patronat jouant au jeu de la chaise vide. Jusqu'à la publication, mardi, d'un rapport, remis à la ministre du Travail, par Sylvie Brunet, présidente de la concertation.
Au programme: des mesures faisant l'objet d'un «large consensus», selon ses auteurs. Pas vraiment, à en croire la CGT qui évoque un «camouflet de dialogue social orchestré par le gouvernement et le patronat». Là où FO reste nuancé. Plutôt discret sur les points litigieux autour de la gouvernance et du financement, le rapport réussit toutefois à satisfaire le Medef, qui se félicite de voir le principe du «pilotage par les branches et les organisations professionnelles» réaffirmé. Et promet du coup, de reprendre le chemin des négociations sur le volet formation. Tout comme la CPME. Le point sur les pistes de la réforme de l'apprentissage qui se dessinent.
Les branches, chefs de file sous contrôle
C'était un des points au cœur de la bagarre entre régions et patronat: le droit d'ouvrir un Centre de formation d'apprentis (CFA). Si cette compétence est aujourd'hui dans les mains des collectivités territoriales, elle devrait demain revenir aux branches. Mais les régions garderaient un brin de pouvoir, par le biais d'un «contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens de formations», selon un responsable des Régions de France (RF) cité par l'AFP. Les branches seraient toutefois libres d'ouvrir des centres en dehors de ce contrat, mais les régions pourraient alors enclencher leur droit de veto. En guise de compensation, ces dernières pourraient se voir octroyer de nouvelles compétences sur le champ de l'orientation (aujourd'hui pilotée par l'Éducation nationale).
Des apprentis de tout âge
C'est une proposition qui n'est pas encore retenue par la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, mais qui, a-t-elle promis, sera «regardé[e]» de près. Pour encourager la formation tout au long de la vie, et notamment les reconversions professionnelles, le rapport préconise de revoir la limite d'âge pour être apprenti. Aujourd'hui, seuls les 16-25 ans y ont accès (avec des expérimentations jusqu'à 30 ans dans certaines régions). Si la borne inférieure d'entrée en apprentissage ne sera pas revue pour des questions de «maturité et de savoir-être en entreprise des publics les plus jeunes», le rapport propose de faire sauter la borne supérieure. Une proposition refusée par la CGT et FO. Dans un communiqué, le syndicat de Jean-Claude Mailly «s'oppose aux propositions d'ouverture de l'apprentissage au-delà de 25 ans et sans borne d'âge, qui concurrencera les contrats de professionnalisation et les embauches en CDI».
Pour faire entrer plus de monde dans le dispositif, des dérogations ciblant les mineurs - vieilles marottes du patronat - sont aussi évoquées par le rapport. Dans l'hôtellerie-restauration, par exemple, le travail pourrait être autorisé jusqu'à minuit (contre 23h30 aujourd'hui). Dans le BTP, il serait aussi possible de déroger (par accord collectif étendu sans autorisation préalable de l'inspection du travail) aux huit heures journalières ou aux 35 heures hebdomadaires pour les moins de 18 ans. Autre mesure incitative : une revalorisation de la rémunération, calculée selon le niveau de diplôme préparé. De même, le rapport propose d'«élargir aux apprentis l'éligibilité à la prime d'activité».
Un accès facilité et encouragé
Autre proposition du rapport retenue «immédiatement» par la ministre du Travail: permettre d'entrer et de sortir de l'apprentissage toute l'année, et non uniquement à certaines périodes comme actuellement. Et faciliter les ruptures de contrats en cas de faute grave ou de démission, sans passer par le Conseil des prud'hommes. De quoi agacer la CGT, qui dénonce, pêle-mêle, «un contrat de travail allégé, des protections liées à la santé et sécurité pour les mineurs encore assouplies, un droit du travail encore allégé et une rémunération largement en dessous du SMIC».
De même, les mesures en faveur d'une meilleure communication autour de l'apprentissage proposées par le rapport sont d'ores et déjà validées par Muriel Pénicaud. Comme la mise en place d'une journée obligatoire d'information sur les métiers au collège et l'introduction d'un «module obligatoire de sensibilisation à l'apprentissage dans la formation initiale et continue des professeurs». Ou encore la mise à disposition d'indicateurs d'insertion professionnelle et de rémunération pour toutes les formations et les métiers auxquels elles préparent.