«C’était en février 2016. Je vivais à Kayes, au Mali. Je travaillais, je ne suis jamais allé à l’école. J’ai décidé moi-même que je ne voulais plus être cultivateur comme les autres enfants de mon âge. Un jour, j’ai prévenu mes amis que j’allais partir en France. Mais je ne l’ai pas dit à mes parents. Ils auraient été contre. Je suis parti la nuit avec un petit sac à dos : des habits, de l’argent et mes papiers de naissance. Un ami m’a emmené en voiture à Bamako. J’ai pris le bus jusqu’à Nouakchott en Mauritanie. J’y ai passé deux jours, à la gare, avec d’autres Maliens. J’ai beaucoup dormi, on a regardé la télé et j’ai acheté à manger, puis j’ai été dans une voiture qui a roulé pendant deux jours. J’étais fatigué !
«Arrivé à Nador au Maroc, j’ai passé quatre jours dans la forêt. Il y avait d’autres migrants, des Arabes ou des Africains, je ne sais pas trop. J’ai marché avec eux jusqu’à la mer. C’est la première fois que je la voyais. Mon corps entier tremblait et mon cœur battait fort ! Je suis monté dans un bateau avec des gens qui étaient dans la forêt. C’était la nuit. Je n’ai même pas payé. Je n’ai pas discuté avec eux. Je ne sais même pas comment ils ont trouvé le bateau. On était à peu près 20. J’avais un peu peur - un peu, mais pas trop. Je suis comme ça, j’ai jamais peur. Le voyage a duré de 3 heures du matin à 18 heures. Je suis resté tranquille dans mon coin. Je ne voyais que la mer autour de moi.
«On est arrivés en Espagne quand le soleil se couchait. J’étais très content de toucher la terre. Sur la plage, des gens de la Croix-Rouge nous ont donné des couvertures, des vêtements, à boire, à manger et nous ont auscultés. Je ne comprenais pas quand ils parlaient en espagnol mais un peu quand ils parlaient français. Ils m’ont demandé si je voulais rester en Espagne. J’ai passé une semaine à Malaga et puis j’ai demandé où était la gare pour trouver un train pour Paris. J’ai pris le train de nuit directement jusqu’à la gare de Lyon… à Paris ! J’ai été accueilli dans un foyer pour mineurs. Bientôt, en France, je pourrais travailler n’importe où. Tous les métiers sont possibles. Si tu veux travailler en boulangerie, tu travailles en boulangerie, si tu veux travailler en secrétariat, tu peux être secrétaire…»