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Libération
Récit

Corse : le commando Erignac coupé en deux

Quatre des membres, libérés, ont pu rentrer en Corse. Aux autres, dont Colonna, le transfert est refusé.
Cargèse vu de la route d’Ajaccio, le 25 janvier. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 5 février 2018 à 20h36

«Six + un». L’équation avait été choisie par les enquêteurs de la Division nationale antiterroriste pour désigner le commando Erignac. Six hommes et Yvan Colonna. Les premiers ont reconnu avoir fait partie du groupe sans nom qui a revendiqué l’assassinat du préfet de Corse, perpétré le 6 février 1998 à Ajaccio. Le berger de Cargèse, lui, continue de clamer son innocence. Tous ont été reconnus coupables du crime et jugés définitivement. Mais tous n’ont pas connu le même parcours judiciaire. Condamné à trois reprises à la réclusion criminelle à perpétuité, Yvan Colonna a épuisé toutes ses voies de recours. Emprisonné depuis juillet 2003, libérable à partir de 2021, il purge désormais sa peine à la maison centrale d’Arles (Bouches-du-Rhône).

Le 29 janvier dernier, le Conseil d'Etat a dit non au prisonnier de 57 ans qui réclamait d'être rayé du répertoire des détenus particulièrement signalés (DPS). La levée de ce statut est pourtant une condition sine qua non à ce que réclame Yvan Colonna : son transfert à la prison de Borgo, en Haute-Corse, pour se rapprocher de sa famille. C'est également ce que demandent depuis de nombreuses années deux autres membres du commando, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri. Les deux hommes, condamnés en 2003 à la réclusion criminelle à perpétuité, ont fini de purger leur peine de sûreté depuis le mois de mai 2017. Ce qui signifie qu'ils peuvent prétendre à une libération conditionnelle. Pour eux, cette mesure ne peut s'envisager en dehors de l'île, c'est pourquoi ils attendent avec impatience la levée de leur DPS et leur retour dans une prison corse. Ce qui leur a, jusqu'à ce jour, été systématiquement refusé au motif que «les risques d'évasion et de troubles à l'ordre public» étaient toujours importants et que le niveau de sécurité des prisons de l'île n'était pas suffisant. «Des prétextes et des excuses», selon Me Eric Barbolosi, conseil de Pierre Alessandri. Pour lui, «le blocage est politique». La preuve ? «Tous les autres sont rentrés et leurs DPS ont été levés parfois au dernier moment.»

«Les autres», ce sont José Versini, Martin Ottaviani, Marcel Istria et Didier Maranelli. Les quatre derniers membres du commando. Jugés en 2003 aux côtés de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, ils ont écopé de peines allant de 15 à 25 ans de prison qu'ils ont fini de purger. José Versini, charcutier éleveur à Cristinacce, a été libéré sous surveillance électronique à l'été 2008 et a regagné son village. Martin Ottaviani, désigné comme le «chauffeur» du commando, a bénéficié d'une libération conditionnelle en avril 2012 à Nanterre. Il est rentré en Corse. Marcel Istria et Didier Maranelli n'ont, eux, déposé aucune demande de remise en liberté anticipée. Ils ont été libérés en «sortie sèche» en 2014 et en 2017. Ils ont, eux aussi, choisi de rentrer vivre en Corse. Les élus nationalistes de la Collectivité de Corse réclament l'amnistie de tous les prisonniers politiques ou, à défaut, leur rapprochement, «stricte application du droit», soulignent-ils.