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Analyse

Hommage au préfet Erignac en Corse : Talamoni sèche, Simeoni fait acte de présence

Comme les années précédentes, le président de l’Assemblée corse, leader indépendantiste, n’ira pas à la cérémonie en hommage à Erignac. Contrairement à l’ancien avocat de Colonna et président du Conseil exécutif.
Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni, vendredi à Ajaccio. (Photo Pascal Pochard-Casabianca. AFP)
publié le 5 février 2018 à 20h36

La tête du nouvel exécutif corse entretient avec l’affaire Erignac une relation compliquée. Contrairement à Gilles Simeoni, Jean-Guy Talamoni, président de l’Assemblée de Corse, ne participera pas à la cérémonie d’hommage ce mardi à l’occasion du vingtième anniversaire de l’assassinat du préfet, tué par un commando nationaliste alors qu’il marchait seul dans une rue d’Ajaccio. Le leader du parti indépendantiste Corsica Libera a annoncé très tôt la couleur. L’information n’est pas surprenante, puisqu’il ne s’était pas davantage déplacé en 2016 ni en 2017, alors qu’il était déjà en fonction.

Choix. Questionné à maintes reprises sur ce choix, Talamoni s'est expliqué en détail. Dès 2016, il avait fait part de sa «compassion» et avait dit «[s'incliner] devant la douleur de la famille» du préfet. Son «parcours», cependant, et ses choix n'étaient, selon lui, pas compatibles avec une participation à la cérémonie officielle. Le leader indépendantiste a en effet toujours soutenu le choix des armes, même s'il lui est arrivé de «désapprouver certaines actions». Ainsi, au sujet de l'attentat du préfet Erignac, il avait à l'époque expliqué «condamner l'acte mais pas les auteurs». Vingt ans après, il juge que «[sa] présence ne serait pas souhaitée par les organisateurs de l'hommage». Plus généralement, il estime que le «conflit entre la Corse et l'Etat français a été long et émaillé d'événements dramatiques, dont l'assassinat du préfet Claude fait partie». «Il y a eu beaucoup de morts des deux côtés, dit-il encore. Et des deux côtés, il y a eu un usage meurtrier et illégal de la violence, car l'Etat a violé ses propres lois.» Dans une tribune publiée par Corse-Matin, Talamoni fait savoir que, pour lui, «une vie humaine vaut une vie humaine» et propose de réfléchir à «une cérémonie en l'honneur de tous ceux qui ont perdu la vie dans un long conflit aujourd'hui terminé».

«Devoir». De son côté, Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de l'Assemblée de Corse, se rendra à la cérémonie d'hommage. Les 6 février 2016 et 2017, l'homme fort de la Corse se trouvait dans l'avenue du Colonel-Colonna-d'Ornano, aux côtés des autorités préfectorales, pour honorer la mémoire de Claude Erignac. Cette année, il y sera encore. En présence du président de la République et de la famille de la victime. Une cérémonie lourde de symboles pour l'ancien avocat d'Yvan Colonna. L'exercice est moins délicat pour Simeoni que pour Talamoni cependant. L'avocat bastiais a certes défendu le berger de Cargèse, mais ce dernier n'a jamais cessé de clamer son innocence - en dépit d'une condamnation définitive à la réclusion criminelle à perpétuité. Et l'ex-maire de Bastia a depuis longtemps fait le choix des urnes contre celui des armes, tournant le dos à la violence clandestine. De l'avis de Gilles Simeoni, faire acte de présence relève de son «devoir» et de sa «responsabilité» d'élu. Cela aura également le mérite «d'exprimer notre volonté de ne rien taire de ce passé douloureux, de ne rien occulter».

Sur le fond, les deux présidents se disent sur la même longueur d'onde : l'assassinat du préfet Erignac est «le fait le plus dramatique» d'un conflit long de cinquante ans entre les nationalistes corses et les gouvernements français successifs. Un conflit dont il est temps de «tourner irréversiblement la page» pour «permettre aux blessures de se refermer», écrivait Simeoni l'année dernière. La Corse, ajoutait-il, «a accompli sa part du chemin. L'Etat doit impérativement faire la sienne». Un an plus tard, le discours est inchangé.