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Les Parisiens et la neige: nom d'un petit bonhomme!

Ils ne sont pas les seuls en France à n'avoir pas beaucoup l'habitude des flocons. Mais dans la capitale, ce phénomène météo a des facultés de révélateur inédites.
Des promeneurs sur l'esplanade du Trocadéro recouverte de neige, face à la tour Eiffel, le 6 février 2018 à Paris. (Photo Philippe DUPEYRAT. AFP)
publié le 7 février 2018 à 18h06

Il neige depuis deux jours sur toute la France ou presque mais, face aux flocons, tout le monde ne joue pas dans la même catégorie. La capitale a beau essuyer régulièrement des épisodes neigeux, elle se révèle toujours un rien désarmée devant l’épreuve. Sur Twitter, les rappels que le reste de la France n’en fait pas toute une affaire, ne manquent pas. Mais Paris silencieux, presque sans voiture, sans moto ni scooter, ce n’est quand même pas courant. Revue des habitants sous la neige, par genre.

Les heureux. Ils sont dans la cour de l'école Jean-Zay dans le XIVe et ils vivent la meilleure récré de l'année. Il a dû y avoir un brief en classe sur l'interdiction des batailles de boules de neige car on n'en voit pas. N'empêche, à l'œil nu, c'est le bonheur. Tous les enfants que l'on croise ce matin ont de la neige sur la veste, les mains, la tête, partout. Sur le boulevard Victor, une mère tire son petit sur une luge. Si ce n'est pas un bon souvenir, ça…

Les malheureux. Ils sont dans le hall de la gare Montparnasse. Soit ils attendent dans l'interminable file à l'extérieur de la boutique SNCF, pourtant taillée large. Soit ils assaillent la dizaine de «gilets rouges» dans l'espoir d'une réponse rassurante. «Est-ce que je peux monter dans le premier train pour la Bretagne?» «Oui, mais… c'est pas sûr qu'il y en ait un.» Un train pour Vannes? «Je ne sais pas.» Pour Saint-Brieuc? «On ne sait pas.» A côté de ça, aimables et charmants. D'ailleurs, les clients ne s'énervent pas. La gare est en plein travaux et des panneaux proclament: «Regardez ce qui vous attend!» Sous la vidéo des images de ces jours meilleurs à venir, André, Thierry et Bertrand attendent surtout de savoir si le 11h56, supposé remplacer le 9h56, va partir. Vu le froid de canard du hall, on leur demande s'ils ne seraient pas mieux au café. «Non, on est bien là.» Alors… La veille au soir, la SNCF avait distribué à ses voyageurs des sandwichs dans des petites boîtes rouges (comme les gilets!). A 23 heures, la gare était constellée de déchets rouges.

Les chanceux. Quand un commerçant vous dit «ça va», c'est surtout le tiroir-caisse qui va. Au comptoir de l'un des cafés de la gare Montparnasse, quand on demande si tous ces gens qui attendent ont fait progresser le chiffre d'affaires, le patron sourit d'un air entendu et répond: «Ça va.»

Les malchanceux. Sur le quai Saint-Michel, face à Notre-Dame, le tenancier d'une échoppe de pizzas-crêpes ne vend plus ni une pizza ni une crêpe. Quelques touristes avancent pourtant à petit pas sur le trottoir mais ils sont trop rares pour pouvoir dire que ça va.

Les biens chaussés. Délaissant toute idée de chic, ces prévoyants-là ont sorti la botte fourrée de son fond de placard. Sage précaution: certes, ça leur donne davantage une démarche de petit vieux que de sprinter mais enfin, ils pataugent sans problème dans la «sloche» comme disent les Québécois pour désigner ce mélange de neige mouillée et de crasse qui stagne dans les caniveaux.

Les mal chaussés. Sans doute certains hommes ne se voient pas aller à leurs rendez-vous sans leurs Richelieus aux pieds. On les admire donc tentant de maîtriser la glissade sur ces très jolies semelles de cuir. De la même manière, certaines femmes ont du mal à laisser tomber l'escarpin. Le talon dans la neige…

Les enchantés. La poésie, la magie, ce qu'ils ont vu de leurs fenêtres en se réveillant, tout les enthousiasme. Ils en bombardent Twitter.

Les râleurs. Numéro 1 incontesté, Alain Juppé, qui se plaint du retard de son TGV. L'ancien Premier ministre n'a pas saisi qu'il valait mieux un TGV qui roule à 160 km/h qu'un autre qui étouffe sous la neige aspirée à 300 km/h.

A quoi la SNCF a répondu avec ses arguments techniques imparables. Se renseigner avant de râler.