Bis repetita ? Condamné, en 2016, à trois ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité en première instance, pour «fraude fiscale» et «blanchiment de fraude fiscale», Jérôme Cahuzac est jugé en appel à Paris à partir de ce lundi. Pour l'ancien ministre du Budget (2012-2013), l'enjeu est lourd : il s'agit d'éviter la case prison, à laquelle il ne pourra échapper cette fois, si la cour d'appel confirme la décision du tribunal correctionnel. Dans son jugement, ce dernier avait écarté toute possibilité d'aménagement de peine en raison d'une faute qualifiée «d'une exceptionnelle gravité». Condamnée à deux ans de prison ferme pour «vingt ans d'ancrage dans la fraude», son ex-épouse, Patricia Ménard, n'a pas fait appel et a pu bénéficier d'une peine «aménageable» qui lui a évité un séjour à l'ombre. D'où l'objectif de l'ex-ministre de ramener sa peine de trois à deux ans, afin de bénéficier lui aussi d'un aménagement lui épargnant la prison. «Il ne peut espérer autre chose, explique à Reuters un proche du dossier. Les faits sont caractérisés et il ne donne pas l'impression de vouloir les contester.» Le ténor du barreau Eric Dupond-Moretti a été appelé à la rescousse pour défendre l'ancien héraut de la lutte contre l'évasion fiscale. Affublé par certains de l'avantageux surnom d'«Acquittator», ce pénaliste lillois, qui a récemment défendu Abdelkader Merah (condamné en novembre à 20 ans de prison), aura fort à faire pour parvenir à minorer la peine de son client.
«Ombre». Il y a quelques jours, la cour d'appel de Paris a quadruplé la première condamnation pour «fraude fiscale» infligée à Thomas Thévenoud, un autre ancien ministre de François Hollande. De trois mois de prison avec sursis et un an d'inéligibilité, elle a été durcie à un an avec sursis et trois ans d'inéligibilité. Une affaire de moindre gravité comparée aux délits pour lesquels Cahuzac est poursuivi : Thévenoud n'a ni déclaré ni payé ses impôts pendant plusieurs années. Le parquet avait fait appel estimant que la première peine prononcée n'était pas à la hauteur de la valeur «d'exemplarité» qu'elle méritait.
C'est dire si l'ancien ministre, dont les dénégations «les yeux dans les yeux», répétées pendant plusieurs mois devant le président de la République et jusque dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, risque gros à contester la décision de la justice à son encontre. Lors du premier procès, ce boxeur amateur, redouté pour ses répliques cinglantes et sa grande maîtrise des questions de fiscalité du temps où il officiait à la tête de la commission des finances du Palais-Bourbon, avait tenté d'attendrir les juges en évoquant sa «part d'ombre» et en faisant acte de repentance. Il avait également avancé l'argument surprise d'un financement politique, affirmant que le premier compte ouvert en Suisse en 1992 était destiné à financer une future candidature de Michel Rocard à la présidentielle. Des circonstances atténuantes, selon Jérôme Cahuzac, que la défense devrait mettre en avant pour expliquer comment il s'est retrouvé piégé dans son mensonge, dont l'aveu avait provoqué le plus retentissant scandale de la présidence Hollande.
Occulte. Après avoir refusé, à la barre, lors des audiences de septembre 2016, de citer les noms des personnes l'ayant mandaté pour constituer cette «caisse noire», ira-t-il plus loin cette fois, en évoquant le rôle de l'association des Amis de Michel Rocard dans l'ouverture de son compte en Suisse, comme son entourage le laisse entendre ? Dans tous les cas de figure, cela ne changera rien au fait qu'il a bien utilisé, par la suite, ce compte occulte à son nom à l'UBS de Genève pour son usage personnel, afin d'y déposer une partie de ses émoluments de chirurgien et de financer ses vacances familiales à l'étranger. Quelle que soit sa condamnation, Cahuzac ne devrait pas renoncer à son combat pour faire annuler sa peine au nom du non bis in idem, qui veut que personne ne puisse être condamné deux fois pour la même chose. Mais s'il a déjà été redressé pour sa fraude fiscale de 3,5 millions d'euros, il est aussi poursuivi pour blanchiment, un délit distinct ne relevant que du pénal : la défense, qui plaide la prescription, a déjà prévenu qu'elle irait jusqu'en cassation, et si nécessaire à la Cour européenne des droits de l'homme, pour obtenir gain de cause. Même s'il va cette fois-ci en prison, Cahuzac n'a pas fini d'occuper la justice. Le procès est prévu jusqu'au 21 février.