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Libération
Récit

Un groupe En marche en embuscade à Strasbourg

Roland Ries, l’édile PS de la ville, qui ne se représente pas en 2020, compose avec un groupe LREM de dix élus, dont son premier adjoint et l’adjoint aux finances. Un scénario inédit en France.
publié le 19 février 2018 à 20h36

S'il est une ville dont le biotope semble pour le moins favorable aux ambitions municipales de LREM, c'est bien Strasbourg : territoire fertilisé par la vague Macron en 2017 ; climat propice avec des élus à couteaux tirés creusant déjà les tranchées ; et même pas l'ombre du maire PS sortant planant sur le scrutin, puisque Roland Ries a annoncé, dès sa victoire en 2014, qu'il ne se représenterait pas. L'édile socialiste, lui-même, ne cache pas sa «sympathie» pour le Président, l'homme «de la coalition à l'allemande». Quand Macron est entré à l'Elysée, «le tsunami national a eu d'importantes répliques locales», dit-il. Allusion à sa majorité municipale qui a volé en éclats, passant de deux à quatre groupes. «Et c'était déjà compliqué avant…», confie-t-il.

En plus des socialistes et des Verts, il doit composer, depuis juin 2017, avec un groupe En marche comptant dix élus, parmi lesquels son premier adjoint, Alain Fontanel, et l'adjoint aux finances, Olivier Bitz. Une situation inédite en France : avec ces deux personnalités, LREM ne souffre pas de déficit de notoriété dans la capitale alsacienne. «Effectivement, c'est du recyclage», tacle l'adjoint PS Mathieu Cahn. Et de poursuivre : «J'espère que les militants ont bien compris qu'en 2020 la tête de liste s'appellerait Bitz ou Fontanel. C'est comme ça, le macronisme. Castaner a été désigné chef, ce sera pareil. Au PS, on peut se foutre de notre gueule mais, au moins, on vote.»

Emboîtant le pas à LREM, huit hamonistes ont aussi lancé leur groupe : la Coopérative. Le maire reconnaît que depuis, il «fait l'arbitre», voire «assure le maintien de la paix». Toujours encarté au PS et «à jour de [ses] cotisations», l'édile a fini par quitter le groupe municipal socialiste pour mieux se tenir au-dessus de la mêlée. Sa majorité a malgré tout «voté comme un seul homme le budget en décembre». Quant à l'application locale de la ligne politique En marche, le «et en même temps» bat son plein. Les étiquettes valsent, mais la feuille de route reste. Tous sont tenus par le programme écolo-socialiste de 2014. Les élus de la majorité s'accordent pour dire qu'à part la méthode, «opportunisme et transgression», LREM n'a jusqu'à présent «exprimé ni défendu aucune vision sur le territoire, rien sur la ville à venir, ses enjeux, les transports, l'inclusion des périphéries».

Rien d'étonnant, se défend Alain Fontanel, ex-cadre du PS devenu récemment délégué national au «mieux vivre» chez LREM : «Les enjeux sont aujourd'hui largement partagés, au point qu'on ne peut définir l'idéologie locale d'un parti.» Aux yeux du président PS de l'Eurométropole de Strasbourg, Robert Herrmann, si le groupe LREM est dépourvu de «vision», c'est qu'il n'a qu'une vocation :«Etre une machine de guerre pour les municipales.» Dans l'opposition, Fabienne Keller note : «Désormais, c'est surtout entre eux[au sein de la majorité, ndlr] qu'il y a des escarmouches.» La conseillère municipale et sénatrice ex-LR fraîchement rattachée à l'UDI est membre fondatrice du parti «Agir». Soit une opposition «vigilante mais en phase avec Macron».