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Tout ce que vous avez voulu savoir sur les perdants de la CSG

La hausse de la contribution sociale généralisée, appliquée depuis le 1er janvier, pénalise surtout les retraités et les fonctionnaires. «Libération» passe au crible les questions des internautes.
Manifestation des retraités contre la baisse des pensions et l’augmentation de la CSG, le 28 septembre à Paris. (Photo Julien Jaulin. Hans Lucas)
publié le 21 février 2018 à 20h36

Depuis septembre, Libération met à la disposition des internautes un site, CheckNews, qui leur permet de poser des questions sur l'actualité à une équipe de journalistes. Notre promesse : «Vous demandez, nous vérifions.» A ce jour, l'équipe a déjà répondu à près de 950 questions, anecdotiques ou graves, sur des sujets concernant la politique, la santé, l'environnement, l'économie, l'immigration… ou la fiscalité. La hausse de la CSG a suscité beaucoup d'interrogations des lecteurs de Libération. Il faut dire que la communication de l'exécutif a été particulièrement confuse (voire trompeuse) sur le sujet. Ainsi ce dernier avait juré que les retraités ne seraient touchés que si leur pension mensuelle dépassait 1 200 euros. Sans préciser que pour les couples de retraités, le seuil est bien plus bas. Les autres victimes de la hausse de la CSG sont les fonctionnaires. Malgré les promesses de campagne d'Emmanuel Macron et à la différence des salariés du privé, il n'est prévu pour eux qu'une stricte compensation de la hausse de la CSG, et parce que cette compensation sera gelée après 2019, entraînant une baisse du pouvoir d'achat. Voilà vos questions, et nos réponses, sur l'usine à gaz de la CSG. Et ses perdants.

Un couple de retraités touchant 2 000 euros à deux est-il concerné par la hausse de la CSG ?

Voilà un élément de langage gouvernemental qui se retourne contre ses utilisateurs. L’exécutif n’a eu de cesse de préciser que la hausse de la CSG ne toucherait que les retraités gagnant plus de 1 200 euros par mois. Manière de dire que seuls les retraités les plus aisés seraient touchés. En réalité, ce montant ne veut rien dire du tout, puisque le niveau de pension au-delà duquel la hausse de la CSG va s’appliquer varie grandement en fonction de la situation des retraités (leur âge et leur situation familiale : veuf, marié, etc.). En fait, certains retraités percevant moins que ces 1 200 euros ont bien été touchés par la hausse de la CSG. C’est notamment le cas des couples.

Laurent Wauquiez, patron de Les Républicains (LR), s'est ainsi fait un plaisir, lors de son passage dans l'Emission politique de France 2, de donner cet exemple : «Deux jeunes retraités, qui ont moins de 65 ans, qui ont chacun 1 000 euros de retraite, vont avoir une hausse de la CSG», s'était-il indigné. Le patron de LR a raison, même si le cas de figure est judicieusement choisi.

La hausse de la CSG (de 6,6 % à 8,3 %) touche les retraités (seuls) dont le revenu fiscal de référence excède 14 404 euros. Pour un couple, c’est au-delà de 22 096 euros que les retraités verront leur retraite baisser. Le revenu fiscal de référence du couple évoqué par Wauquiez (2 000 euros de pension à deux) est de 22 118 euros, soit quelques euros de plus que le plafond. Le couple a donc bien vu sa CSG augmenter. Pour un couple de retraités ayant moins de 65 ans, le seuil au-delà duquel la CSG augmente est de 1 960 euros de pensions nettes cumulées, soit 980 euros par personne (1). L’exemple de Wauquiez ne se vérifie que si les deux retraités ont moins de 65 ans. Au-delà de 65 ans, les retraités bénéficient en effet d’un abattement (de 2 352 euros) dans le calcul du revenu fiscal de référence. Ainsi, pour un couple de retraités dont un membre a plus de 65 ans, c’est au-delà de 2 100 euros de pensions nettes cumulées que la CSG augmente. Pour les retraités seuls, l’âge change aussi la donne. Ainsi, un retraité célibataire de moins de 65 ans sera touché par la hausse de la CSG si sa pension nette dépasse 1 290 euros. S’il a plus de 65 ans, le retraité isolé est touché par la hausse si sa pension dépasse 1 390 euros. Même chose pour un retraité ayant un enfant à charge non actif, ou étant veuf. S’il a moins de 65 ans, il est touché par la hausse de la CSG si sa pension dépasse 1 620 euros. S’il est plus âgé, la hausse s’applique s’il perçoit une pension supérieure à 1 730 euros.

Pour résumer, le niveau de la pension nette au-delà duquel la CSG augmente varie donc largement. Et pour les couples, il est sensiblement inférieur au montant de 1 200 euros sur lequel le gouvernement a communiqué. Ce qui explique certains mécontentements. Même s’il est logique que les seuils diffèrent en fonction de la situation conjugale des retraités. En effet, le pouvoir d’achat d’une personne isolée gagnant 1 000 euros est inférieur à celui d’une personne gagnant cette même somme mais vivant avec un(e) conjoint(e) percevant un revenu équivalent.

(1) Tous les montants de pension cités ici ne valent que si les retraités n'ont aucun revenu en plus de celle-ci.

Est-il vrai que l’indemnité de compensation des fonctionnaires sera gelée en 2019 ?

L’indemnité prévue pour les fonctionnaires afin de compenser la hausse de la CSG sera effectivement gelée à partir de 2019, occasionnant après cette date une perte de pouvoir d’achat pour les agents de la fonction publique. Explications.

Une hausse de 1,7 point du taux normal de la CSG a été décidée à compter du 1er janvier. Pour compenser cette hausse, les cotisations sociales des salariés du privé baissent en deux temps : de 2,2 points au 1er janvier, puis de 0,95 point en octobre. A terme, les salariés seront bénéficiaires. Un dispositif particulier a été prévu pour les fonctionnaires qui ne s'acquittent pas des cotisations «maladie» et «chômage», et ne bénéficieront donc pas de leur baisse. Contrairement à ce qu'avait promis le candidat Macron, le mécanisme mis en place pour la fonction publique ne vise qu'une stricte compensation de la hausse de la CSG. Il n'y aura pas d'augmentation de leur pouvoir d'achat, à la différence des salariés du privé.

Afin de compenser cette hausse de la CSG qui touche les fonctionnaires, il a d’abord été prévu de supprimer la contribution exceptionnelle de solidarité (CES), au taux de 1 %, prélevée sur les rémunérations des agents et des salariés des employeurs du secteur public et parapublic. La CES a pour objet de faire contribuer ces agents et salariés à l’effort collectif de solidarité à l’égard des chômeurs. Cette mesure n’est toutefois pas suffisante : le taux de la CES (1 %) est plus faible que l’augmentation prévue de la CSG (1,7 point), et les agents publics dont le traitement indiciaire est inférieur à 1 466 euros mensuels ne sont pas assujettis à la CES.

En complément, le gouvernement a donc prévu de créer une indemnité compensatrice différentielle pour les agents en poste au 1er janvier. Cette prime annuelle doit être directement versée par les employeurs publics et doit permettre de compenser intégralement la hausse de la CSG pour chaque agent. Enfin, une prime annuelle de 0,76 % de leur traitement est prévue pour les agents recrutés après le 1er janvier. Toutefois, les organisations syndicales estiment qu'on ne peut pas vraiment parler de compensation intégrale.

La première raison est que le montant de ces indemnités et primes annuelles sera calculé au 1er janvier sur la base des rémunérations de 2017. En cas d'augmentation de la rémunération au cours de l'année, l'agent sera pénalisé. Même problème en 2019. Surtout, aucune revalorisation de l'indemnité compensatrice n'est prévue après celle de 2019. Ainsi, au-delà de cette date, un agent dont la rémunération augmente continuera de payer 1,7 point de CSG supplémentaire sur une rémunération croissante… mais ne verra pas évoluer l'indemnité compensatrice (calculée sur son ancienne rémunération). La compensation sera donc dégressive dans le temps, entraînant une perte de pouvoir d'achat.

Est-il vrai que les fonctionnaires ont vu baisser leur salaire net en janvier ?

Comme expliqué ci-dessus, la compensation de la hausse de la CSG doit s’effectuer grâce à deux mécanismes, dont une indemnité compensatrice. Mais le système a connu un couac au lancement. De nombreux agents, principalement dans les collectivités et les établissements hospitaliers, n’ont pas perçu l’indemnité et ont donc effectivement connu une baisse de leur net le mois dernier. Pour un salaire mensuel de 1 600 euros net, la perte est par exemple d’environ 10 euros, selon Benoît Teste, secrétaire général adjoint du Snes FSU, syndicat majoritaire chez les enseignants du second degré.

D'après un sondage effectué par l'Association des directeurs des ressources humaines de grandes collectivités au début du mois de janvier, seulement 41,7 % des DRH ayant instauré la hausse de la CSG en janvier la compenseront sur le même bulletin de paie. La majorité d'entre eux expliquent ce retard par le mauvais paramétrage des systèmes d'information des RH. «La plupart des collectivités ont choisi de retarder aussi la hausse de la CSG pour éviter de pénaliser les agents», précise le président de l'association, Johan Theuret. Le retard de versement de la compensation est dû «à un problème de mise à jour des logiciels de paie», confirme Philippe Blanchot, chef du cabinet d'Olivier Dussopt, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics. En cause, des délais trop courts entre l'adoption de la loi de finances, la parution du décret d'application le 30 décembre, puis de la circulaire précisant les modalités de mise en œuvre, le 17 janvier. Dans le cas de la fonction publique de l'Etat qui rassemble les enseignants, les agents travaillant dans les ministères et les administrations de l'Etat, le logiciel de paie avait été mis à jour avant même la parution du décret, en décembre, pour anticiper les changements. Dans les fonctions publiques territoriales et hospitalières, les logiciels de paie sont décentralisés, ce qui a engendré des disparités entre les agents. «La compensation de la CSG n'est pas en place au mois de janvier parce que certains établissements ont sous-traité cette gestion à des organismes privés. Pour autant, une information a été adressée aux agents et précise que la compensation sera active en février», rapporte Bruno Lamy, de la CFDT. D'après Philippe Blanchot, les retards ont principalement été repérés dans ces secteurs. Il assure que la majorité d'entre eux seront rattrapés rétroactivement en février.

Ce bug s'est ajouté à la hausse du prix de la mutuelle et des cotisations retraites. En effet, les fonctionnaires continuent aussi de subir la hausse continue de la cotisation aux retraites pour l'ensemble des agents depuis 2010, et ont été confrontés à une augmentation des tarifs de la MGEN, la mutuelle la plus répandue chez les fonctionnaires. Cette superposition peut rendre difficile l'estimation de l'étendue du retard pris par les employeurs publics. «Certains agents bénéficiant de la compensation subissent une perte du pouvoir d'achat du fait de l'augmentation du taux de cotisation, et croient dans certains cas ne pas avoir la compensation», explique Pascal Kessler, membre du bureau exécutif de la Fédération autonome de la fonction publique.

Vos impôts TTC sur Libé.fr

A l'occasion des mesures fiscales et sociales adoptées par la nouvelle majorité, qui vont influer sur le niveau de vie des Français dans les prochaines années, et sur la base de ces nouveautés et des données de l'Observatoire français des conjonctures économiques, Libération a construit un simulateur, vous permettant de calculer à l'euro près les gains ou pertes que devrait connaître votre foyer. A noter que les deux impôts concernant principalement les foyers les plus aisés (instauration du prélèvement unique sur les revenus du capital, transformation de l'ISF en IFI) ne figurent pas dans ce simulateur en raison de leur complexité. Grâce à ces deux seules mesures, les 2 % de foyers les plus aisés concentreront la majorité (42 %) des gains de pouvoir d'achat prévus par le gouvernement.