L’épisode était vite apparu comme l’une des plus rudes épreuves pour l’exécutif depuis son installation. Au mois de janvier, un vaste mouvement social avait paralysé les prisons françaises à l’initiative de leurs surveillants après une série d’attaques - certaines à l’initiative de détenus islamistes radicaux - contre leurs collègues.
Vendredi, à Lille, Edouard Philippe a présenté son «Plan national de prévention de la radicalisation». Parmi ses 60 mesures, plusieurs sont censées isoler les prisonniers radicalisés de leurs codétenus. A terme, a annoncé le Premier ministre, «1 500 places vont être créées dans des quartiers étanches, exclusivement dévolus aux détenus radicalisés, dont 450 d'ici la fin de l'année». La plupart de ces derniers sont, pour l'heure, disséminés parmi leurs codétenus. Sur 72 000 détenus en France, un peu plus de 1 100 sont identifiés comme «radicalisés». Ces quartiers étanches seront répartis dans 78 établissements. Les profils jugés les plus dangereux seront détenus dans trois «quartiers pour détenus violents, qui garantiront une étanchéité totale», a promis Edouard Philippe, annonçant que deux de ces centres seront créés, s'ajoutant à celui de Lille-Annœullin.
Le plan anti-radicalisation avait été annoncé en octobre par Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat s'était fait fort d'attaquer le problème «à la racine», évoquant parmi les facteurs de basculement «la grande pauvreté, le délitement des structures familiales, l'affaiblissement de nos structures éducatives, l'absence totale de mobilité économique et sociale» et la «ghettoïsation de certains quartiers». Le plan présenté vendredi n'affiche pas un tel niveau d'ambition mais veut agir, le plus possible, en amont de la radicalisation, notamment auprès des enfants et adolescents, en renforçant le contrôle des écoles hors contrats, en «systématisant la formation aux médias et à l'information, pour distinguer ce qui relève de la connaissance et ce qui n'en relève pas», et en faisant pression sur les plateformes numériques pour que les contenus litigieux soient «retirés moins d'une heure après leur mise en ligne».
Le plan prend acte de l'échec d'une certaine approche de la déradicalisation, symbolisé par la fermeture en 2017 du centre de réinsertion de Pontourny. «Nul ne dispose d'une formule magique de déradicalisation, au sens où l'on pourrait "déprogrammer" un logiciel dangereux», a convenu le Premier ministre. Préférant promouvoir de «bonnes pratiques de prévention et de désengagement», notamment vis-à-vis des mineurs de retour du Levant.