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Libération
Interview

Denis Thuriot : «Le train fait partie des services publics cruciaux»

Le maire de Nevers, Denis Thuriot, défend l’importance des «petites lignes» pour l’attractivité et le désenclavement des territoires, et déplore qu’elles soient menacées car trop peu rentables.
Le rapport Spinetta préconisait la fermeture de 9 000  km de lignes dites «secondaires» en 2013. (Photo Marc Chaumeil)
publié le 25 février 2018 à 20h46

Ancien membre du Parti socialiste, qu’il a quitté il y a quelques années, Denis Thuriot a été élu en 2014 maire sans étiquette de Nevers (Nièvre) et président de la communauté d’agglomération. Il souligne l’importance vitale des services publics, dont les transports, pour l’attractivité des petites et moyennes villes au moment où le rapport Spinetta sur la SNCF met en balance le devenir des lignes les moins fréquentées.

Les propositions du rapport Spinetta que le gouvernement entend mettre en œuvre ne sont-elles pas en contradiction avec le plan de revitalisation des villes moyennes annoncé en décembre par le Premier ministre ?

Je me félicite qu’un gouvernement s’intéresse enfin aux villes moyennes, qui concentrent 24 % de la population française et près du quart des emplois. D’autant que ce sont des maires en lien avec le ministère de la Cohésion des territoires et d’autres services de l’Etat qui ont contribué à élaborer les projets de développement de leurs communes que le gouvernement s’est engagé à financer à hauteur de 5 milliards d’euros. Il s’agit de propositions très concrètes, très opérationnelles pour le développement du commerce, du logement ou du numérique.

Mais il ne faudrait pas amenuiser cet effort par une diminution des dessertes en transports. Une ville comme Nevers se trouve sur le sillon ferroviaire Paris-Clermont-Ferrand. Je ne suis pas inquiet pour le maintien de cette ligne qui nous met officiellement à deux heures de la capitale. Mais cette durée de voyage est toute théorique. En réalité, nous sommes confrontés à une vétusté du matériel roulant et du réseau ferré, à l’origine de retards nombreux et récurrents. De plus, les horaires ne sont pas toujours adaptés aux nécessités des usagers. Après 19 heures, il n’y a plus de trains ! Nevers est la ville centre d’une agglomération de 70 000 habitants dans la Nièvre, un département rural où des lignes moins fréquentées, desservant des petites communes, sont en revanche réellement menacées si des préconisations du rapport Spinetta étaient mises en œuvre. Des villes comme Clamecy se battent déjà pour conserver leur hôpital.

Le rapport Spinetta souligne que les «petites lignes» coûtent 1,7 milliard par an en transportant «2% des voyageurs». Sous-entendu, elles ne sont pas viables. En tant qu’élu de la Nièvre, qu’en dites-vous ?

Je ne nie pas la nécessité pour un gouvernement de procéder parfois à des arbitrages pour contenir les déficits publics. Je suis lucide et pragmatique. Mais encore faut-il examiner la cause de certaines situations. Si des lignes sont peu empruntées, c'est parce que le service rendu aux usagers n'est pas toujours pertinent : fréquence de trains insuffisante, horaires problématiques, durée du voyage très long. Pour aller en train de Nevers à Dijon [capitale de la région Bourgogne-Franche-Comté dont fait partie la Nièvre, ndlr], il faut deux heures et demie. Autant de temps qu'en voiture. Le train n'offre pas d'avantages. Pas étonnant que les gens délaissent certaines lignes.

Que représente la desserte ferroviaire pour des territoires et des villes comme les vôtres ?

Le train fait partie de ces services publics cruciaux. En janvier 2017, j'avais accueilli à Nevers le candidat Macron [qu'il a soutenu à l'élection présidentielle]. Je l'avais sensibilisé sur les enjeux des services publics : plus on les diminue, plus on les supprime, et plus on fait monter politiquement les extrêmes car les citoyens se sentent abandonnés. Aujourd'hui, il y a un enjeu important sur la santé, l'éducation, les transports pour garder un maillage pertinent du territoire entre grandes villes et zones rurales. Les villes moyennes luttent pour garder leurs habitants et en faire venir d'autres. Pour y arriver, nous devons être attractifs, avec des services publics attractifs. Sinon, on va déshabiller la France, qui n'aura des habitants que sur les zones du littoral et dans les grandes villes. Le reste deviendrait un désert. Et ce serait vraiment triste.