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Interview

La prise en charge des patients toujours dans le flou

Médicaments, unités spécialisées… L’efficacité des méthodes employées pour lutter contre les pathologies de type Alzheimer reste à démontrer.
A l’Ehpad de Potigny, le personnel utilise les poupons depuis 2015. (Photo Nolwenn Brod. VU pour Libération)
publié le 25 février 2018 à 19h46

C’était l’année dernière. Marisol Touraine, alors ministre de la Santé, refusait à la surprise générale de dérembourser complètement les médicaments anti-Alzheimer, et cela alors que la commission de la transparence venait de rendre un avis très clair pointant l’inutilité de ces molécules. La ministre se justifiait en arguant qu’elle voulait savoir s’il y avait d’autres prises en charge (non médicamenteuses) avant de pouvoir rendre une décision définitive. Un rapport sur le sujet lui a été remis en avril.

Absurdité. Marisol Touraine annonçait alors quelques mesures de bon sens, comme une revalorisation à 60 euros de certaines consultations de médecine générale «visant à informer les patients et à définir un traitement face à une maladie neurodégénérative», mais aussi la possibilité donnée aux médecins généralistes de facturer 70 euros jusqu'à trois «visites longues» annuelles au domicile des personnes souffrant de la maladie d'Alzheimer. «Ces mesures, disait-elle, visent à mieux reconnaître la place des médecins généralistes dans la prévention de la maladie d'Alzheimer.»

Enfin, était annoncé que 20 unités cognitivo-comportementales supplémentaires seraient ouvertes sur le territoire national. Pour la ministre, ce n’était qu’au terme de la mise en œuvre de ces mesures que la question du maintien ou non du remboursement des médicaments anti-Alzheimer pourrait se poser. Un an plus tard, ces médicaments sont toujours remboursés. Cette absurdité clinique peut être vue comme un miroir de ce qui se fait ou ne se fait pas en matière de prise en charge d’Alzheimer (ou équivalent).

Les pratiques, bien souvent, peuvent laisser perplexe. Quelques exemples : les Ehpad continuent, pour certains d'entre eux, de proposer des unités Alzheimer dont l'utilité est à vérifier. Qui peut dire que ces unités fermées où l'on regroupe des gens souffrant de lourds déficits cognitifs sont une bonne idée ? Et voilà donc que les autorités ont lancé également la création de 20 unités cognitivo-comportementales supplémentaires. Faut-il, là encore s'en féliciter ? Dans certaines unités qui existent déjà, on hospitalise des patients sans leur consentement, sur proposition de proches totalement débordés, et tout cela sans le moindre cadre légal. «Même dans les hôpitaux psychiatriques, on a des garanties plus fortes», s'inquiète un gériatre. Et ce n'est pas tout. Des pratiques plus ou moins surprenantes se développent aussi au gré des établissements, sans évaluation stricte. «Malgré les recommandations du recours aux interventions psychosociales comme alternative aux traitements médicamenteux, la preuve scientifique de leur efficacité manque», note ainsi la Haute Autorité de santé. Ces interventions se font sur des résidents très âgés, sans leur consentement, parfois aussi sans base clinique, comme on le voit avec ces faux enfants mis dans les bras de vraies personnes.

Chaleur. Certes, on peut noter qu'il y a aussi tout un courant plus modeste, baptisé «humanitude», qui est aujourd'hui présent dans les Ehpad. Il essaye de mettre en avant les valeurs d'humanité et de chaleur dans la prise en charge des très vieilles personnes. «L'humanitude est une approche des soins fondée sur l'adaptation du soignant au patient, qui doit toujours être considéré comme une personne, expliquent les formateurs. C'est aussi une philosophie du lien, du soutien et de l'accompagnement dans laquelle chacun est considéré comme quelqu'un d'autonome à vie, qui peut faire ses propres choix et sait ce qui est mieux pour lui.» En somme, traiter le malade comme n'importe qui. En matière de troubles cognitifs, en dépit de bonnes volontés manifestes, on en est parfois loin. On continue de leur donner des médicaments dont l'utilité est contestée, et on entreprend avec eux des expériences sociocomportementales qui restent à évaluer pleinement.