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Libération
L'histoire du jour

Au Salon de l’agriculture, le froid ne décorne pas les bœufs

Où l’on découvre que les vaches n’aiment pas les courants d’air mais tiennent bien mieux le froid que les agents de sécurité.
Porte de Versailles, samedi, des vaches les pattes au chaud. (Photos Gérard Julien. AFP)
publié le 27 février 2018 à 20h46

Les animaux du Salon de l'agriculture ont-ils aussi froid que les Parisiens ? C'est la question brûlante que s'est posée Libération, au moment où la bise venue de Sibérie déferle sur la France. Mardi matin, Porte de Versailles, flotte comme une atmosphère de sports d'hiver. D'ailleurs, il neige. Thomas et sa fille Valentine viennent d'arriver : «On s'est habillés comme pour aller au ski. Collants sous le pantalon, polaire et doudoune : les trois couches», explique-t-il. Au salon, les visiteurs sont le plus souvent en vacances, en famille, alors ce n'est pas la météo qui va leur gâcher la journée.

«Choc thermique»

 Mais les bêtes, qui n'ont pas les trois couches, comment font-elles ? Face à cette inquiétude, un éleveur de montbéliardes esquisse un sourire en coin : «Les vaches ne craignent pas le froid. Quand on les lave, la veille du concours, on ne les laisse pas trop dehors. Il faut juste éviter les courants d'air. Pour le reste, elles mangent un peu plus, et c'est tout.» Plus loin, Guillaume, éleveur de prim'holstein en Bretagne, abonde : «C'est plutôt le choc thermique qu'elles craignent. Le samedi, quand le salon est bondé, la température grimpe de 10 degrés. Le soir, comme ce n'est pas chauffé, elle retombe assez vite.» Avec son extinction de voix et son nez qui coule, il a l'air d'être plus sensible à la température que ses vaches. Il en convient : c'est ici qu'il a attrapé ce rhume. Au fil de nos investigations, on découvre qu'au Salon de l'agriculture les animaux sont bien mieux protégés du froid que les humains. François est venu à Paris pour donner un coup de main à son ami Michel, qui élève des vaches de race salers. Il montre les bêtes alignées : certaines ont le poil abondant, d'autres plus ras. «C'est comme ça qu'elles régulent la température. C'est comme nous : quand il fait chaud, on tombe le pull.» Salers, aubrac, des races montagnardes qui ne craignent pas le petit - 2 °C parisien. «En ce moment, il fait - 18 en Auvergne, explique Michel, éleveur de race aubrac. Mon fils élève des aubracs dans le Wisconsin, où il fait jusqu'à - 40 l'hiver, et les vaches sont dehors.»

Bon, les vaches ne craignent pas le gel. Y a-t-il un animal frileux dans le salon ? Pas les moutons, quand même, on a beau être citadin, on voit bien la laine qu'ils ont sur le dos. Pavillon 5, élevages du monde, stands la Réunion, Maroc, pays chauds avec, au fond, des bosses de chameaux et de dromadaires. Ça a froid, un chameau, par ce temps ? Marion, qui s'occupe des animaux, fait une mise au point : «Les dromadaires viennent d'Asie centrale, ils sont habitués aux températures extrêmes ; quant aux chameaux, ils connaissent le désert, où il fait 40 degrés la journée et - 10 la nuit !»

Pavillon 4, basse-cour et ferme pédagogique : pigeons, poules et lapins. Ce n'est pas le froid qui inquiète cet éleveur de lapins dans l'Orne : «Le problème, c'est le stress, tout ce monde qui défile devant les bêtes alors qu'elles n'ont jamais connu que leur pré. Mes lapins, qui pèsent entre 4 et 5 kilos, peuvent perdre jusqu'à 700 grammes le temps du salon !»

Chasubles

Hors des hangars, les agents d'accueil ont l'air, eux, transis de froid. Bonnets enfoncés jusqu'aux sourcils et cache-cols qui dépassent des grosses parkas. Marius, du service d'ordre, est dehors toute la journée. «J'ai beau être arrivé de Martinique en 1977, je ne me suis toujours pas habitué au froid», renifle-t-il. A l'entrée du hall 1, des agents en chasubles jaunes se tiennent à côté des portes, qu'ils referment derrière les visiteurs dès que le flot se tarit un peu. Posté en plein courant d'air de 7 heures à 17 heures (avec pause-déjeuner), Benjamin fait face : «On se réchauffe en buvant», rigole-t-il. «Il y a dix jours j'étais en mission au salon Texworld, au Bourget. J'étais dehors devant la gare, avec le froid et les bourrasques, ressentis fois dix. Donc ici, je suis plutôt au chaud.»

Au terme d'une enquête édifiante, Libération révèle que les animaux n'ont pas souffert de la vague de froid tardive qui a soufflé sur la capitale. Et note que les éleveurs, à qui on a demandé s'ils avaient des radiateurs dans leurs étables, sont compréhensifs. Comme le dit François, «on sait bien, quand on vient au salon qu'on est là pour partager avec des gens qui n'y connaissent rien. Si on n'aime pas partager, on ne vient pas».