C'est une petite phrase, sans conditionnel. «La suppression de l'obligation de concours d'architecture sur les programmes d'une taille à déterminer, ainsi que l'assouplissement de la loi Maîtrise d'ouvrage publique (MOP) par les bailleurs sociaux locatifs, seront notamment étudiés.» Elle figure dans le protocole que le gouvernement a signé début décembre avec les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) et ressemble bien à une monnaie d'échange. En contrepartie de la baisse des APL, les bailleurs sociaux se verraient débarrassés de la formalité du concours.
C'est en tout cas comme cela que l'ont compris les architectes. Début février, le Conseil national de l'ordre des architectes a écrit à Emmanuel Macron pour lui demander de «maintenir les règles actuelles de la commande publique».Un mois plus tard, et faute de réponse gouvernementale, d'autres architectes ont enfoncé le clou avec une tribune qui a réuni 3 200 signataires en quelques semaines.
Ce qui a entraîné une réaction aussi forte, c'est surtout le fait que «les architectes n'ont été consultés à aucun moment», explique Brigitte Métra, coauteure de la tribune. «Cette attaque se fait sans les concernés, dit aussi Denis Dessus, le président de l'ordre. En contrepartie du milliard et demi que le gouvernement a pris aux bailleurs avec les APL, il leur donne toutes les compensations, même celles qu'ils n'ont pas demandées…»
Et d'ailleurs, le protocole «n'a pas été signé par tous les bailleurs sociaux», souligne Brigitte Métra. Ainsi, Serge Contat, directeur général de la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP), défend les concours : «Depuis dix ans que je dirige la RIVP, j'ai présidé tous les concours et je trouve cela assez fructueux.»
Au ministère de la Cohésion des territoires, on se défend de vouloir zapper les architectes. «La procédure de recours à l'architecte va évoluer pour raccourcir les délais.» La future loi «évolution du logement et aménagement numérique», qui sera présentée en Conseil des ministres en mars, permettra de voir comment les deux impératifs se conjuguent ou pas.
Photo Artedia. Leemage