En annulant la fermeture des voies sur berge à la circulation, le tribunal administratif vous dit : l’étude d’impact n’est pas suffisante et, surtout, vous ne vous êtes pas référée au bon article. Vous n’êtes pas allée trop vite ?
Non. La piétonnisation des berges de Seine, les écologistes en parlent pour la première fois en 2001. Bertrand Delanoë l’inscrit à son programme en 2008. Il piétonnise la rive gauche en 2013. J’inscris le prolongement rive droite à mon programme des municipales de 2014. Après les élections, je relance une concertation, pendant un an et demi, en associant les communes de la métropole. Tout cela aboutit à un vote favorable du Conseil de Paris et à une mise en œuvre en septembre 2016. Il s’est donc écoulé quinze ans entre l’idée et sa réalisation, et trois ans entre mon engagement de campagne et sa mise en œuvre. Ma conviction est que la conquête de cet espace par les piétons et les circulations douces était utile et nécessaire. D’ailleurs, les désagréments pour les automobilistes sont aujourd’hui limités. En un an, le trafic de report a baissé de 28,8 % sur les quais hauts rive gauche, de 11,2 % sur les quais hauts rive droite et de 5,4 % sur le boulevard Saint-Germain. Les encombrements sont donc bien temporaires.
Comment expliquez-vous alors la décision du tribunal administratif ?
Je respecte la décision du tribunal administratif, mais je considère qu'il y a un problème dans la façon dont le droit de l'environnement est interprété dans notre pays. Ce droit a été conçu il y a une trentaine d'années pour empêcher la puissance publique de prendre des mesures qui auraient un impact négatif sur l'environnement. Là, c'est l'inverse. Il s'agit de fermer une autoroute urbaine pour créer un parc. Depuis l'accord de Paris, nous sommes dans l'obligation d'agir, et d'agir vite parce qu'il y a une urgence climatique. Nous sommes donc à un moment où il nous faut deux circuits pour le droit de l'environnement. Un premier sur le temps long qui protège et évite des Notre-Dame-des-Landes… Et un second sur le temps court, pour que puissent voir le jour rapidement des décisions alignées sur l'accord de Paris, qui concernent les questions énergétiques, de pollution et d'adaptation de la ville au changement climatique. Est-ce que le droit de l'environnement doit nous être opposé lorsqu'il s'agit d'améliorer la qualité de l'air ? Je ne le crois pas. J'en ai parlé à Nicolas Hulot et Brune Poirson [au ministère de la Transition écologique, ndlr], et avec le président de la République.
Qu’est-ce qu’ils vous ont répondu ?
Ils partagent cette analyse. Imaginez : la France va devoir payer des amendes à l’Union européenne pour non-respect des obligations en matière de qualité de l’air. Ce serait quand même étrange que l’on demande à notre pays de régler des pénalités pour le non-respect de politiques que l’on empêche les maires de faire.
La droite demande donc la réouverture des berges au trafic automobile ?
La droite régionale et parisienne s’est fourvoyée dans cette histoire. Elle est à l’origine du recours devant le tribunal administratif, qui risque de conduire à la réouverture de cette autoroute urbaine, mais elle ne l’assume pas. C’est une attitude irresponsable vis-à-vis des milliers de Parisiens qui sont victimes de la pollution de l’air.
Après la décision du tribunal, comment allez-vous empêcher les voitures de revenir ?
Nous allons mobiliser tous les moyens légaux qui s’offrent à nous. D’abord en faisant appel. Certes, ce n’est pas suspensif et nous aurons une décision dans un an. Mais je veux utiliser cet appel pour mettre en avant nos arguments, en particulier sur l’étude d’impact. Ensuite, en travaillant avec l’Elysée, avec le préfet de police. Ils sont tous convaincus qu’il ne faut pas rouvrir les berges à la circulation automobile. Dès cette semaine, avec le soutien de l’Etat qui accompagne cette démarche, je vais prendre un arrêté, mobilisant les pouvoirs de police du maire, pour maintenir la piétonnisation de cette voie.
Temporaire ?
Non. C’est un arrêté permanent.
Vous vous asseyez sur une décision de justice…
Non, car cet arrêté prend en compte les recommandations du tribunal administratif. Il se fonde sur une nouvelle base légale, un autre terrain, relatif à la défense du patrimoine et à l’intérêt touristique. La question des berges de Seine est devenue emblématique à l’échelle internationale. Elles sont le symbole de Paris, la ville dans laquelle l’accord sur le climat a été signé.
Cette affaire ne vous donne-t-elle pas l’envie d’être encore plus radicale et de fermer la rue de Rivoli ou la place de la Bastille ?
(Rires) Non, mais je pense que nous sommes dans la bonne stratégie et, de plus, sur un sujet comme celui-là, très soutenus par les Parisiens. Par ailleurs, dans le contexte post-Brexit, les grandes institutions bancaires me disent que la lutte contre la pollution est un sujet déterminant pour que leurs cadres aient envie de venir. Nous sommes en train de gagner cette bataille vis-à-vis de Francfort et de Dublin.