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Réforme

Constitution : Edouard Philippe fait les présentations

Le Premier ministre a entamé mardi une série d’entretiens avec les parlementaires. Avant de présenter un projet dont certaines mesures sont catégoriquement rejetées à droite.
Edouard Philippe à Eaubonne, dans le Val-d’Oise, le 13 février. (Photo Denis Allard)
publié le 6 mars 2018 à 20h26

C’est une nouveauté dans le quinquennat. Alors que sa large majorité à l’Assemblée a permis à l’exécutif de passer ses premières réformes comme une lettre à la poste, le voici contrarié par son opposition. Il est vrai que la matière est particulière : une réforme institutionnelle attendue pour le printemps et qui, pour partie au moins, impliquera de réviser la Constitution. Et donc, sauf recours au référendum, d’être votée conforme à l’Assemblée et au Sénat avant d’être approuvée par les trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès.

Edouard Philippe a commencé mardi à recevoir les représentants de ces derniers à Matignon. Ils s’y succéderont jusqu’à la semaine prochaine, pour se voir présenter les grandes lignes d’un projet que la droite sénatoriale, catégoriquement opposée à certains points, menace de faire capoter.

«Dans l'ensemble, le projet est abouti», assure-t-on à Matignon, où l'on évoque une présentation en Conseil des ministres «avant la fin avril». Et si le Premier ministre est prêt à «écouter» ses interlocuteurs, pas question de «modifier substantiellement le projet, à en faire de l'eau tiède». Premier reçu mardi matin, le patron des députés Modem, Marc Fesneau, a pourtant jugé, à la sortie, que «les lignes peuvent bouger», notamment l'ampleur de «la réduction du nombre de parlementaires et [de] la dose de proportionnelle, le droit à la différenciation pour les territoires» ou encore «les procédures législatives» que l'exécutif souhaite accélérer.

Reçus ensuite, les communistes André Chassaigne et Eliane Assassi ont vu au contraire dans les projets de l'exécutif un «coup de force», déplorant notamment le projet de «limiter les amendements [parlementaires] en fonction de l'importance du groupe» et jugeant «populiste» la baisse annoncée du nombre de parlementaires. Le Premier ministre devait recevoir en début de soirée Franck Riester, patrons des députés Agir (ex-Constructifs).

«Le bon taux c'est zéro». Sauf surprise, Emmanuel Macron devrait tenir bon sur ses principaux engagements : réduction du nombre de parlementaires (d'un tiers, promettait son programme), dose de proportionnelle aux élections législatives (tout en laissant ouvert le nombre de sièges concernés, dans une fourchette de 10 à 25 % des sièges), interdiction d'effectuer plus de trois mandats consécutifs pour les parlementaires et les présidents d'exécutif (une exception pourrait être faite pour les maires de petites communes), suppression de la Cour de justice de la République, ou mention spécifique de la Corse, qui pourrait voir ses compétences étendues. Les élus nationalistes Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni seront reçus lundi à Matignon pour se voir présenter le projet. Pour Philippe, la pièce de résistance arrivera le 14 mars. Seront alors reçus à Matignon les présidents de l'Assemblée et du Sénat, François de Rugy (LREM) et Gérard Larcher (Les Républicains), puis les chefs de file des députés et sénateurs LR, Christian Jacob et Bruno Retailleau.

«Il était temps, trépigne-t-on dans l'entourage du président du Sénat. Depuis que Gérard Larcher a fait ses propositions fin janvier, on n'a aucune nouvelle.» La rencontre sera une nouvelle occasion pour l'exécutif de mesurer l'hostilité de la droite à une partie de son projet. Pour celle-ci, pas question de limiter le nombre de mandats successifs, de réduire le nombre de parlementaires au-delà d'un sénateur par département ou d'élire une centaine de députés à la proportionnelle, chiffre qu'ont avancé François de Rugy et le président du Modem, François Bayrou.

«La proportionnelle, c'est un accord, un engagement électoral entre monsieur Bayrou et monsieur Macron, a rappelé Retailleau à l'Opinion. On n'est pas obligé de payer ces arrangements électoraux.» «On est très clairs, la proportionnelle est un facteur d'instabilité, le bon taux, c'est zéro», tempête Christian Jacob, qui appelle à «regarder ce qui se passe chez nos voisins» allemands ou italiens.

La menace que laisse planer la majorité d'un recours au référendum, en cas de blocage - via l'article 11 de la Constitution - ne risque pas d'apaiser les discussions. Le président du Sénat l'avait déjà fait savoir à Macron lors de leur dernière entrevue fin janvier. «Si à chaque fois que l'on s'oppose à une réforme du gouvernement, on nous caricature en conservateurs de l'ancien monde, on n'a qu'à tout bêtement supprimer le Parlement», s'agace-t-on dans l'entourage de Gérard Larcher, soulignant que ce dernier «n'est pas opposé à une réforme constitutionnelle mais il veut qu'elle soit utile».

«Nous irons au bout». Les sénateurs ont pu, eux, se remémorer mardi la précédente révision constitutionnelle votée ric-rac en 2008 lors d'une table ronde en présence notamment d'un invité de marque : l'ex-président de la République Nicolas Sarkozy. L'entourage de ce dernier se défend de toute intention de critiquer le pouvoir actuel et assure être seulement venu faire le bilan de cet épisode.

Côté majorité, le président de l'Assemblée, François de Rugy, a indiqué dialoguer «depuis plusieurs semaines pour que nous puissions arriver d'ici l'été à un texte commun qui permettra d'avoir une réforme de la Constitution adoptée par le Parlement».

Pour l'heure, les responsables de La République en marche n'hésitent pas à jouer l'opinion contre les réticences sénatoriales. «Le Sénat ne va pas défaire en chambre ce que le peuple français a décidé dans les urnes […]. Nous irons au bout de la réforme», a prévenu mardi le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux.