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Libération
Éditorial

Réinvention

publié le 6 mars 2018 à 20h56

Y a-t-il encore une place pour le socialisme ? On ne parle pas ici du PS, ou du mouvement de Benoît Hamon, qui tentent péniblement de survivre entre Macron et Mélenchon. Mais du socialisme comme idée et comme projet. C’est-à-dire de cette doctrine qui ne voit pas dans la société, à la différence du libéralisme, une simple collection d’individus, mais un peuple de citoyens unis par une fondamentale solidarité, cette doctrine qui fait passer la justice sociale avant l’identité et la liberté avant l’autorité. Les progrès de l’individualisme d’une part et du nationalisme d’autre part l’ont bousculée, parfois pulvérisée. La révolution conservatrice si bénéfique aux classes dirigeantes, d’un côté, la méfiance identitaire qui trompe le peuple et le berce dans l’illusion d’une France seule et fermée, de l’autre, l’ont fait passer, partout en Europe, du statut de force dominante à celui de minorité sur la défensive. Pourtant l’aspiration à la justice sociale, dans un monde d’inégalités brutales, reste dans les cœurs et les esprits. Elle survit chez tous ceux qui refusent l’alternative qui se dessine entre une mondialisation sans principe et une retraite agressive à l’ombre des totems identitaires et des frontières sacralisées. Avant de parler tactique, élections, désignation de leaders plus ou moins neufs, c’est la question décisive, celle qui gouverne toutes les autres pour la gauche démocratique. Pour y répondre, il ne s’agit pas seulement de dépoussiérer les structures ou de rajeunir les porte-parole. Il s’agit de réinventer une culture politique, de revenir aux valeurs essentielles et de les traduire dans le langage du siècle nouveau. Tâche intellectuelle, tâche militante, tâche politique par excellence. A cette condition, et à cette condition seulement, le socialisme, cette vieille idée qui a favorisé tant de progrès, sera de nouveau une idée d’avenir.