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Libération
Fraude fiscale

Les époux Balkany renvoyés en correctionnelle : on n’arrête pas le procès

Le maire de Levallois-Perret et son épouse sont soupçonnés de fraude fiscale, en l’occurence la dissimulation de plusieurs millions d’euros. Aucune date de jugement n’a encore été fixée.
Patrick et Isabelle Balkany, le 3 décembre 2015 à Rueil-Malmaison. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 7 mars 2018 à 18h07

Il y aura bien un procès Balkany. Soupçonnés d'avoir dissimulé plusieurs millions d'euros au fisc, le maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine) et son épouse viennent d'être renvoyés devant le tribunal correctionnel de Paris pour «fraude fiscale», comme l'a révélé mercredi Europe 1. Confiée au juge Renaud Van Ruymbeke, l'enquête avait été ouverte en juin 2015 suite à une plainte de Bercy, visant à la fois l'impôt sur le revenu et l'impôt sur la fortune des époux. Faisant sauter son traditionnel verrou, l'administration fiscale avait alors saisi la justice sur la base d'éléments dévoilés par une autre enquête ouverte en décembre 2013 pour «blanchiment de fraude fiscale», élargie par la suite à des faits de corruption. Les agents du fisc ont peu apprécié de découvrir, entre autres, que les revenus déclarés par Patrick et Isabelle Balkany entre 2010 et 2012 n'atteignaient même pas les salaires versés à leurs six employés de maison sur la même période.

Peignoir brodé

L'enquête des juges financiers a confirmé les pratiques peu orthodoxes du couple en matière fiscale ainsi que son goût prononcé pour l'argent liquide, en grosses coupures de préférence. Il en va ainsi des billets de 500 euros oubliés par Monsieur dans les costumes confiés au pressing, ou de ceux régulièrement échangés par Madame auprès de la patronne de l'Intermarché local pour éviter de se les voir refuser en caisse. Du cash que les enquêteurs ont retrouvé un peu partout au gré de leurs perquisitions, dans des enveloppes, sur la table de nuit et même dans les poches d'un peignoir brodé aux initiales du maire de Levallois. Entre 2007 et 2014, selon les calculs du parquet, au moins 13 millions d'euros ont été dissimulés par le couple au fisc.

Une grande partie de ce magot aurait été blanchi dans l'immobilier de luxe, notamment aux Antilles et au Maroc. Plusieurs biens occupés par le couple ont fait l'objet d'investigations poussées, les montages complexes d'acquisition justifiant le lancement d'une vingtaine de commissions rogatoires internationales. C'est le cas de la célèbre villa «Pamplemousse», à Saint-Martin, acquise via une société écran enregistrée au Liechtenstein et évaluée à plus de 5 millions d'euros. Après des mois d'atermoiements, Isabelle Balkany a fini par reconnaître en garde à vue que l'habitation lui appartenait bien. En revanche, tout comme son époux, elle continue à nier être propriétaire du riad Dar Gyucy, au Maroc, acheté en 2009 plus de 5,8 millions d'euros, dont 2,5 millions en dessous-de-table. Une opération réalisée grâce au savoir faire de l'avocat Arnaud Claude, ancien associé de Nicolas Sarkozy et mis en examen pour «blanchiment de fraude fiscale».

Pour prouver leur bonne foi, les époux sont allés jusqu'à transmettre à la justice des contrats de location fournis par leurs fils Alexandre. Des contrats «fictifs», selon les magistrats, uniquement destinés à «dissimuler à l'administration fiscale ce bien immobilier et d'échapper ainsi à l'impôt de solidarité sur la fortune». Concernant enfin leur manoir de Giverny, dans l'Eure, les époux n'en ont déclaré que l'usufruit, estimé à 148 000 euros, alors que la propriété de 4 hectares est évaluée à plus de quatre millions d'euros, et aurait donc dû être soumise, elle aussi, à l'impôt sur la fortune.

Train de vie

Reste désormais à établir un calendrier judiciaire. Dans le volet «blanchiment», le Parquet national financier (PNF) avait déjà pris ses réquisitions en juillet 2017, réclamant le renvoi en correctionnelle du couple pour «blanchiment de fraude fiscale aggravée», «corruption passive» et «prise illégale d'intérêt». Mais de nouveaux éléments d'enquête ont obligé les magistrats à rouvrir l'instruction in extremis. Selon nos informations, il s'agit d'une commission rogatoire en Afrique, que les juges n'attendaient plus. Un document qui ne devrait toutefois pas changer grand-chose au fond. Dans son dernier réquisitoire, le PNF avait souligné la «distorsion» entre les revenus déclarés des époux et leur train de vie, insistant sur «l'accroissement de leur patrimoine corrélativement à leur carrière politique». Un patrimoine acquis «pour l'essentiel grâce aux fonctions publiques exercées par Patrick Balkany», précisait le parquet. La fraude fiscale et son blanchiment étant connexes, la justice pourrait décider de joindre les deux procédures. Il n'y aurait alors qu'un seul et même procès pour l'ensemble des faits visés.