Jusque-là, la partie semblait un jeu d’enfant pour le gouvernement. La réforme sur l’accès à l’université, votée sans réelle opposition au Parlement, se met en place au pas de course dans les lycées et les facs pour une application dès cette année. Les élèves ont jusqu’au 13 mars pour inscrire leurs vœux dans la plateforme Parcoursup. Mais cette semaine, l’histoire se corse, la contestation monte. Un signe : le Conseil supérieur de l’éducation, qui représente l’ensemble de la communauté éducative (profs, parents, étudiants, administration…) a rejeté mardi à l’unanimité le projet de décret d’application de la loi, qui lui était soumis pour avis… Il a été validé ric rac mardi par le Cneser (le conseil national de l’enseignement supérieur de la recherche), une instance consultative aussi. Les organisations lycéennes appellent à une mobilisation le 15 mars prochain.
Elèves de terminale, étudiants en réorientation, équipes pédagogiques côté lycée mais aussi universités, parents… Depuis le début de l'année, Libération donne la parole à tous ceux qui sont en première ligne dans l'application de cette réforme d'ampleur. Pour que chacun raconte, avec ses mots et son ressenti, les changements vécus de l'intérieur.
Dans notre chronique aujourd’hui, ce n’est ni un prof, ni un élève qui s’exprime mais… un start-upeur, qui se retrouve au cœur de l’application de la réforme.
Camille Fromaget, 28 ans, l’un des fondateurs de l’entreprise Study Advisor
«Cette réforme, c'est un coup du destin. On a lancé notre start-up en septembre 2016, donc bien avant Parcoursup. Notre idée, c’était de créer une plateforme collaborative sur le modèle d’Airbnb pour mettre en relation des élèves qui se posent des questions sur leur orientation, avec des étudiants qui sont passés par les mêmes interrogations quelques années auparavant. Une sorte de réseau social de l’orientation, en somme. Jusqu’en octobre dernier, on recevait 30 appels par jour environ, mais avec la réforme, on tourne à 150-200 appels par jour. Plus la date de clôture des vœux dans Parcoursup approche, plus le nombre de coups de fil augmente. Ça n’arrête pas.
Pour les élèves qui demandent des conseils, le service est gratuit. Nos 1 500 étudiants «advisors» sont rémunérés 5 euros par appel, qui dure en moyenne 30 minutes. Notre business model repose sur les formations privées. Elles nous financent pour qu’on les mette en relation avec les élèves intéressés. Je précise que les étudiants advisors sont payés à l’appel, et pas à la mise en relation avec une formation privée, ils ont une totale liberté dans les conseils qu’ils donnent. D’ailleurs, dans les conseils qui ont été donnés jusqu’ici, la majorité concerne les formations publiques.
Ces dernières semaines, on reçoit beaucoup de questions sur le fonctionnement de Parcoursup, forcément. J’ai fait des vidéos pour former au mieux nos étudiants advisors pour qu’ils sachent répondre car ce n’était pas au début dans leurs missions. Là, on se retrouve à faire sans arrêt des lettres de recommandation pour les élèves. Oui, parce que dans les dossiers Parcoursup, il leur est demandé d’apporter des preuves de leur intérêt pour les filières auxquelles ils postulent… Du coup, on s’est mis à leur rédiger des attestations pour valoriser leur démarche de nous appeler et l’intérêt qu’ils ont montré au cours de la conversation pour telle ou telle formation. Tous les élèves n’ont pas la chance d’avoir un réseau familial pour avoir des recommandations par ailleurs…»