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Libération
Récit

Salaires : chez Engie, des progrès mais toujours pas l’égalité

Le groupe féminise peu à peu ses troupes. Mais les différences de salaire persistent et la DG s’est heurtée au plafond de verre.
publié le 7 mars 2018 à 19h46

En ce 8 mars, Isabelle Kocher, seule femme en exercice dans la mâle tribu des grands fauves du CAC 40, présentera les résultats annuels d'Engie au côté de Judith Hartmann, la directrice financière du groupe. Sacré contraste avec le spectacle donné il y a quelques jours par la maison d'en face, EDF, qui s'est livrée au même exercice avec son PDG, Jean-Bernard Lévy, entouré de costumes gris. Avec son CV d'executive woman à la tête bien faite (Ulm, agrégée de physique, corps des Mines…), Isabelle Kocher a gravi tous les échelons, du cabinet de Lionel Jospin à Matignon jusqu'au sommet de l'ex-GDF-Suez. Pas tout à fait, en réalité. Nommée directrice générale d'Engie en 2016, elle était programmée pour prendre la succession de l'inamovible PDG Gérard Mestrallet en mai prochain. Mais au terme de deux ans de bataille en coulisses, ce dernier a réussi à torpiller la candidature de sa dauphine. Arbitré par l'Etat actionnaire, le conflit a débouché sur un camouflet pour Isabelle Kocher : mi-février, le patron du chimiste Solvay, Jean-Pierre Clamadieu, a été désigné pour prendre la présidence du conseil d'administration d'Engie. Isabelle Kocher restera, elle, DG opérationnelle, mais ne sera pas la PDG du groupe. Elle s'est heurtée à l'ultime plafond de verre.

«Performance»

Le paradoxe est d'autant plus grand qu'Engie se présente depuis dix ans comme un élève modèle en matière d'égalité professionnelle hommes-femmes. Sous l'impulsion du même Mestrallet, le groupe, qui emploie 150 000 salariés, s'est fixé dès 2008 des objectifs ambitieux pour féminiser ses troupes : 30 % de femmes dans les recrutements, pour atteindre 25 % des effectifs en 2020. On en est aujourd'hui à plus de 22 %, contre 18,8 % en 2012. Et le pourcentage de femmes chez les cadres est quasi équivalent : 22,9 %. «Ce n'était pas acquis dans un groupe dont la culture n'est pas macho mais où les métiers de terrain, comme ceux du gaz, sont historiquement très masculins. On partait de loin, c'est donc une performance», se félicite Ana Busto, directrice générale adjointe en charge de la communication d'Engie. Cette dernière est l'une des trois femmes (sur douze membres) à siéger au comité exécutif du groupe avec Isabelle Kocher et Judith Hartmann.

Le groupe fait bien mieux au niveau de son conseil d'administration : dix femmes sur dix-neuf membres. «Nous sommes l'une des entreprises les plus féminisées à ce niveau de responsabilité», souligne Ana Busto. Mais quid des étages inférieurs ? En réorganisant Engie il y a deux ans, Kocher a décidé de nommer 30 % de femmes à la tête des nouvelles unités opérationnelles : le stockage gaz, l'hydrogène, les énergies renouvelables ont vu débarquer une cheffe à leur tête. Un réseau «Women in networking» regroupant 2 000 femmes cadres a été développé pour encourager les jeunes embauchées.

Exemple

Reste la question qui fâche : l'égalité salariale qui se fait attendre. «On n'a pas de leçon à donner aux autres», reconnaît Ana Busto. Pris dans sa globalité, le groupe ne fait sans doute pas beaucoup mieux que l'écart de 24 % en défaveur des femmes constaté par l'Insee. Mais au niveau des 4 000 salariés de la tour Engie, à la Défense, il y a du progrès : «Sur les cadres sup, l'écart n'est plus que de 2,5% contre 13,2% il y a dix ans, sur les cadres on est à 6,8% et sur les agents de maîtrise à 0,1%», souligne la porte-parole, qui espère que le siège servira d'exemple au reste du groupe.