Liberation a suivi le débat téléviséentre les quatre candidats au poste de premier secrétaire du Parti socialiste. Points forts, points faibles, punchlines. Revue de détails.
Olivier Faure: libre de la jungle
Ces derniers jours, Olivier Faure a préparé ce débat minutieusement. Pas facile de se pointer dans l'arène avec l'étiquette de favori sur le front. C'était celui qui avait le plus à perdre. Son début a été moyen, hésitant. Il a guetté Emmanuel Maurel et Stéphane Le Foll s'écharper. Puis, il a refait surface petit à petit pour jouer sa partition. Celle de l'équilibriste. Celle de chef des députés socialistes : «Je suis devenu président d'un groupe traumatisé par une défaite et le passage de 300 à 30 députés. L'ambiance était délétère il a fallu trouver le compromis permettant de préserver le groupe et faire en sorte qu'il y ait groupe pour s'opposer au gouvernement.» Celle du gars qui, lors du quinquennat précédent, a critiqué quelques actions du gouvernement sans tomber dans la fronde. Le candidat à la «renaissance» du PS, un mot qu'il utilise à l'envi, s'est fait entendre lorsque la question de l'immigration s'est invitée. Lorsque Stéphane Le Foll a parlé de la «jungle de Calais», Olivier Faure l'a coupé pour lui dire: «Pas la jungle, tu ne dois pas dire la jungle Stéphane, on a eu tort de dire la jungle, il ne faut pas oublier que ce sont des humains.» En quittant le débat, il a déclaré avec son débit à grande vitesse : «Je ne suis surpris par personne, on se connaît depuis des années. En fait, ce débat me donne raison, entre nous, les fossés ne sont pas infranchissables.» Jusqu'au bout, le favori est resté dans son couloir en préservant ses adversaires pour éviter de se prendre des coups.
Luc Carvounas: causes toujours
C'est un petit paradoxe: s'il était élu à la tête du PS fin mars, Luc Carvounas dirigerait alors une entité moins peuplée que sa ville d'Alfortville (50 000 habitants). L'ancien maire a fait de sa gestion de gauche locale son principal argument de vente. Ses adversaires n'ont pas cette expérience municipale et le député du Val-de-Marne veut prouver qu'il n'est pas un idéologue. C'est d'ailleurs sa principale force. Challenger, Carvounas devait percer pendant le débat et pour cela mordre les mollets des autres candidats. Du coup, il a souvent flirté avec la fébrilité voire l'agressivité. Notamment quand on lui rappelle ses années passées aux côtés de Manuel Valls: «J'en ai un peu marre qu'on me ramène à ça quand j'ai été loyal (au candidat présidentiel socialiste) quand d'autres étaient en train de nous quitter» pour Emmanuel Macron, qu'il brocarde en «président des riches et des métropoles». Dans la compétition, il avance avec ses concepts de «progrès partagé» et de «gauche arc-en-ciel». C'est plus abscons quand il répète en boucle que le PS doit redevenir «le parti des causes». Il tend des tonnes de perches à Emmanuel Maurel, candidat de l'aile gauche (promettant, entre autres, d'appeler à voter pour un candidat mélenchoniste en cas de duel face à un macroniste) et renvoyant dos-à-dos les deux candidats du centre du PS, Le Foll et Faure: «Pardon Stéphane et Olivier mais la synthèse molle on sait où ça nous a emmenés. Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup.» Après cinq ans de Hollande, un ancien proche de Valls cite Martine Aubry. Tout arrive au PS.
Emmanuel Maurel: l'homme à régner
La forme du visage, les lunettes, la coupe de cheveux. Emmanuel Maurel, une sorte faux jumeau de François Hollande. La ressemblance est frappante derrière le petit écran. Elle s'arrête au physique. Sur le fond, c'est une autre histoire. Tout au long du débat, le représentant de l'aile gauche a jeté un regard très critique sur le dernier quinquennat: déchéance de nationalité, loi travail, CICE, 49.3. Le tout avec une certaine maîtrise, voire facilité, et sous le regard de Stéphane Le Foll, son meilleur ennemi de la soirée. Le député européen assume son positionnement sans détour. Il est dans une «opposition frontale» au gouvernement. De Macron, qu'il place à droite sur l'échiquier politique, il dit : «C'est notre créature, on lui a fait la courte échelle.» Quitte à en faire trop par moments, il a invité ses références, plus au moins surprenantes, à chacune de ses interventions : Mitterrand, Spiderman, Terence, Orelsan, Maurras, Freud. Emmanuel Maurel, qui souhaite que son parti s'adresse en priorité à la classe ouvrière, a également souligné sa capacité à communiquer avec toutes les forces de gauche. Il en fait une force. En quittant le plateau, à la fin du débat, une journaliste lui demande s'il est satisfait de sa prestation. Sa réponse ? «Ce n'est pas à moi de le dire.» Son regard disait autre chose. Emmanuel Maurel, le faux jumeau de François Hollande, avait l'air content.
Stéphane Le Foll: il était une voix
Pour le gardien du temple, la délivrance est venue tard. Il est 22h30 passé quand Stéphane Le Foll laisse échapper un «ouf je suis soulagé là» quand Emmanuel Maurel salue l'action de François Hollande pendant la COP21. L'ancien membre du gouvernement - le seul parmi les quatre candidats à la tête du PS - face à l'héritier des frondeurs: une façon de rejouer le quinquennat en 90 minutes. Surtout que pendant tout le débat, le député de la Sarthe s'est acharné à refuser tout devoir d'inventaire. Le CICE, la loi El Khomri, les «grandes lois votées pendant les cinq dernières années»? Zéro critique. Refus d'obstacle. «On pourrait soutenir d'abord ce qu'on a fait nous-mêmes», lâche même l'ex-ministre de l'Agriculture quand on lui demande s'il soutient l'action actuelle de Nicolas Hulot à l'Ecologie. Le candidat du rétroviseur. Qui compte depuis le début de la compétition sur son atout maître: sa notoriété. Sa voix, au sens propre (stentor) comme au figuré (ancien ministre). «Je veux être une voix celle qui peut porter dans les débats. Je veux redonner de l'espoir à ceux qui le perdent aujourd'hui», dit Le Foll. Qui perd des points en enquillant les formules socialistes éculées («nous devons porter plus qu'une alternative, une alternance») mais en marque en réclamant une «ligne claire» pour le parti - un mot qu'il répète une dizaine de fois, comme «cohérence» et «rassembler». Le Foll refuse catégoriquement de parler d'alliances à gauche et prône une «opposition résolue et intelligente» à Macron. «Rarement intelligent», risque une journaliste sur le plateau. Le Foll avoine: «Arlette Chabot, c'est pas bien».