Président du comité d’éthique du Medef, Robert Leblanc (photo DR) défend une approche non contraignante.
Pourquoi s’opposer à une modification du code civil ?
Nous sommes très attachés à ce que les entreprises françaises intègrent l’impact social et environnemental de leur activité. Il est impossible, aujourd’hui pour une entreprise, de penser durer sans prendre en compte ces questions dans son développement. Le Medef souhaite être moteur sur ces sujets. Mais pourquoi vouloir toucher à un texte qui décrit très bien ce qu’est une société en des termes simples et stables ? Le code civil est là pour dire ce qu’est l’«objet» de l’entreprise, pas pour définir ce qu’on attend d’elle. Il y a d’autres endroits pour cela : le code du commerce, le code de gouvernance Afep-Medef…
Vous avez déjà lancé une consultation pour modifier ce code. Jusqu’où souhaitez-vous aller ?
Nous allons davantage insister sur la création de valeur à long terme des entreprises et la prise en compte de la responsabilité sociale et environnementale. Aujourd’hui, les entreprises n’ont plus le choix : il n’est plus acceptable que des conseils d’administration ne s’engagent pas à suivre les recommandations des différentes instances en la matière.
Tout cela reste non contraignant…
Il n'y a pas que les tribunaux qui sont contraignants : l'opinion publique l'est aussi. Les entrepreneurs doivent tenir compte de ce qui est inscrit dans ce code et justifier de leurs actions. Contrairement à la loi (hard law), on peut être plus souple dans la soft law. On peut dire : «voilà la règle, voilà les cas particuliers». Depuis quelques années, il existe, au titre de ce code de gouvernance Afep-Medef, un Haut Comité de gouvernement d'entreprise extrêmement vigilant sur ces sujets. Lorsque des sociétés n'appliquent pas correctement des recommandations, elles doivent s'expliquer auprès de cette instance. Les explications, si elles sont acceptables, permettent de gérer les cas particuliers. La dénonciation publique par le Haut Comité d'entreprises ne respectant pas le code les place devant le vrai tribunal, l'opinion publique.
Pourquoi redoutez-vous de nombreux procès en cas de modification du code civil ?
Cette question du «procès» est mise en avant par les deux parties. Il y a ceux qui expliquent que si une société se donne des objectifs «sociaux et environnementaux» sans modification du code civil, elle peut être traînée devant les tribunaux par un «actionnaire-activiste» qui reprocherait à l’entreprise de ne pas chercher le bénéfice à tout prix. Et il y a ceux qui disent qu’en modifiant le code civil, des organisations privées plus ou moins transparentes pourraient, demain, s’arroger le droit d’être les défenseurs de l’intérêt général et multiplier les procès devant les juridictions civiles. Or, le juge civil n’est pas familier de ces sujets-là, au contraire des magistrats des tribunaux de commerce. Pour nous, il y a donc un danger judiciaire majeur de rajouter des choses qui peuvent être exploitées par l’une ou l’autre des parties. L’enfer est souvent pavé de bonnes intentions.
Une modification du code de commerce serait plus acceptable pour le Medef ?
Si le gouvernement veut à tout prix inscrire que les entreprises doivent tenir compte de «l’impact social, humain et environnemental», alors pourquoi pas le faire dans ce code-là ? Les tribunaux de commerce sont beaucoup mieux à même d’évaluer ces questions.