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Libération

Hommage à Karim Ibrahim, Soudanais mort «de désespoir»

publié le 11 mars 2018 à 20h06
(mis à jour le 11 mars 2018 à 20h06)

Pendant une minute samedi, le silence a régné sur un bout de trottoir près de la Porte de la Chapelle (XVIIIe arrondissement de Paris). Une centaine de riverains et d'exilés s'étaient réunis pour rendre hommage à Karim Ibrahim, un Soudanais trentenaire mort jeudi, à deux pas du centre de premier accueil pour migrants. Selon Clarisse Bouthier, du collectif Solidarité Migrants Wilson, Karim Ibrahim est mort «de désespoir». «Il est mort sur une bouche d'aération. C'est 3 m2 où il y a un tout petit peu de chaleur», explique-t-elle.

Ces 3 m2 sont aussi la «maison» d'Ali, Kaba, Alpha Diallo et Vidal. Ils décrivent Karim comme un personnage qui «donnait le sourire». «Il se débrouillait en français et en arabe donc il parlait à tout le monde», explique Vidal. «Il disait "moi, je suis français". Il ambiançait le coin», se souvient Kaba. Avant sa mort, Karim Ibrahim «était malade, il était gris». «Il faisait froid. Il a dormi longtemps, ce n'était pas normal. La police a essayé de le réanimer, mais je pense qu'il s'est étouffé» sous les couvertures lestées d'eau de pluie, reprend Vidal. Quitter son pays, arriver Porte de la Chapelle et y mourir : le destin de Karim révolte ses compagnons d'infortune. «La France n'est pas à la hauteur. Elle a perdu, juge Vidal. Ce n'est pas seulement les immigrés : j'ai vu un Français qui avait travaillé toute sa vie aller aux Restos du cœur. Macron donne des leçons mais chez lui, c'est pourri.»

A côté de la «maison» des quatre hommes et de la ligne de tramway, la mairie de Paris avait disposé, en février 2017, des blocs de pierre pour «éviter de constituer des camps de migrants». Avec son collectif de tailleurs de pierre, Yan Noblet est venu en faire des sculptures. Karim Ibrahim aura donc un ersatz de pierre tombale. Comme personne ne connaît son âge exact, on y lit : «Karim, 198.-2018.»

Photo Édouard Caupeil