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Libération
Analyse

Depuis l'Inde, Macron s'en prend aux «commentateurs fatigués»

Face aux Français de l'étranger, le chef de l'Etat avait déjà dénoncé «les fainéants» à Athènes en septembre. A New Delhi samedi, il a de nouveau vendu ses réformes, faisant fi des critiques sur le rythme effréné de celles-ci.
Emmanuel Macron devant la communauté française à New Delhi, le 11 mars. (Photo Dominique Faget. AFP)
publié le 12 mars 2018 à 11h05

Après «les fainéants», voici que «les commentateurs fatigués» ont, à leur tour, droit à une ferme mise en garde d'Emmanuel Macron. Dès lors qu'il s'agit d'affirmer que rien ni personne ne freinera le grand mouvement de «transformation» dans lequel il a engagé le pays, le chef de l'Etat semble très en verve quand il se trouve à l'étranger. A New Delhi samedi, comme dans plusieurs autres capitales ces derniers mois, c'est devant la communauté française, réunie dans les jardins de l'ambassade, que le chef de l'Etat a entonné son refrain favori.

«En France, nous allons continuer à réformer en profondeur pour mettre fin à un chômage de masse auquel nous nous sommes habitués, et mettre fin à des habitudes qui n'avaient plus de justification», a-t-il expliqué alors que le lancement quasi simultané d'une demi-douzaine de chantiers de réformes (assurance chômage, formation professionnelle, SNCF, immigration, audiovisuel public) donne le tournis au monde politique. «Cela ne s'arrêtera ni demain, ni dans le mois prochain, ni dans les trois mois», a-t-il ajouté, s'adressant aux «commentateurs fatigués» qui voudraient «qu'il y ait un terme à ce mouvement». Allusion transparente aux réserves et aux interrogations face au rouleau compresseur piloté par le Premier ministre.

«Révolution française»

Emmanuel Macron n'est nulle part plus à son aise qu'en compagnie des expatriés qui se pressent pour l'entendre en marge de ses voyages officiels. Ces Français-là, diplômés et libéraux, sont particulièrement sensibles à la promesse d'une France «de retour» sur la scène internationale. Ils y ont cru dès l'élection présidentielle, quand ils ont voté Macron à 40,4% dès le premier tour et à 93% au second. Le discours de fermeté applaudi samedi en Inde, d'autres expatriés y avaient eu droit, l'été dernier, dans les jardins des ambassades de Roumanie et de Grèce.

«Je serai d'une détermination absolue et je ne céderai rien ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes», déclarait le président à Athènes en septembre. Evoquant «l'immense responsabilité» de sa génération, il ajoutait qu'il lui était interdit de «s'asseoir» et encore moins de «se reposer». Deux semaines plus tôt, à Bucarest, il avait théorisé son concept de «transformation» : «La France n'est pas un pays réformable. Beaucoup ont essayé et n'y ont pas réussi. Dès qu'on peut éviter les réformes, on le fait», avait-il expliqué tandis que s'engageaient, à Paris, les «concertations» sur la réécriture du code du travail. La solution selon lui, c'est d'engager le combat qui fera «rêver les Français», celui d'une «transformation en profondeur» pour «emmener l'Europe vers de nouveaux projets». «Nous y parviendrons», ajoutait le chef de l'Etat, car tel serait le sens du «choix un peu fou» de ceux qui l'ont porté à l'Elysée le 7 mai.

Ce volontarisme en inquiète pourtant quelques-uns, jusque dans les rangs de la majorité. A l'Elysée, il arrive que remontent les interrogations : le rythme effréné des réformes n'expose-t-il pas la majorité à un risque politique déraisonnable ? «Je mène une révolution française», confiait récemment le chef de l'Etat à l'un de ses visiteurs. Autant dire qu'une grande page d'histoire serait en train de s'écrire, sous le regard incrédule des «commentateurs fatigués».