Leurs idées comme leur romance passée suscitent depuis dix ans moult fantasmes. Yildune Lévy et Julien Coupat sont suspectés d’avoir participé au sabotage d’une ligne TGV à Dhuisy (Seine-et-Marne), dans la nuit du 7 au 8 novembre 2008. A 5 heures du matin, le passage du premier train avait engendré un court-circuit, dû au télescopage entre la caténaire et un fer à béton, déposé sciemment quelques minutes plus tôt. Le 9 novembre, l’action avait été revendiquée par un groupuscule allemand, mais l’accusation est convaincue de la présence, cette nuit-là, non loin des voies, du couple Coupat-Lévy.
C’est le point le plus sulfureux de cette enquête tentaculaire : les policiers antiterroristes ont-ils fabriqué un faux PV de filature du véhicule utilisé par les deux activistes ? Dans le dossier, la synthèse de ce jeu du chat et de la souris figure à la cote D104. Or, le PV est bardé d’incohérences, comme si les policiers avaient recomposé a posteriori le trajet des suspects, via un site bien connu de cartographie. Au panthéon des erreurs commises : une départementale qui n’existe pas, des distances impossibles à parcourir à moins de rouler à 160 km/h, et des tunnels remplaçant des ponts. Pour la défense, il ne fait guère de doute qu’aucun policier ne suivait Yildune Lévy et Julien Coupat cette nuit-là, mais que le PV a servi à blanchir les données d’une balise placée discrètement sous leur véhicule. Accusés dans un premier temps d’appartenir à un groupe terroriste, Coupat et Lévy ne sont plus poursuivis que pour «association de malfaiteurs» et «dégradations en réunion de biens appartenant à autrui».
Selon les services spécialisés, Julien Coupat est bien le leader du groupe de Tarnac. Une position hégémonique qu’il est d’usage de nier dans les sphères anarcho-autonomes, où chacun est l’égal de son camarade. Toujours est-il qu’à 43 ans, Coupat est l’obsession des ministres de l’Intérieur successifs qui, non contents de l’imaginer en simple pamphlétaire, ont vu sa main derrière chaque mouvement radical, des manifestations anti-loi travail à Nuit debout. Une hyperattention politique qui l’agace autant qu’elle l’honore. Fils de cadre chez Sanofi, Julien Coupat est passé par l’Essec et l’EHESS avant de poser par intermittence ses valises dans la ferme de Tarnac.