Menu
Libération
Mouvement

Rentrée scolaire perturbée à Mayotte

Alors que le mouvement de contestation se poursuit dans le département d’outre-mer, la ministre Annick Girardin a annoncé de nouvelles mesures lors d’une visite éclair ce lundi.
La ministre Annick Girardin à Petite-Terre, le 12 mars. (Photo Ornella Lamberti. AFP)
publié le 12 mars 2018 à 18h16

Elle a finalement cédé à la pression des Mahorais. Annick Girardin, ministre des Outre-Mers, est arrivée lundi matin à Mayotte, en proie aux grèves, manifestations et barrages depuis plus de trois semaines. Les habitants protestent contre l'insécurité dont ils rendent responsables les immigrés clandestins venus des Comores voisines. Sur Petite-Terre, l'île où se situe l'aéroport, les manifestants ont dressé des barrages, qui ont dû être évacués à coups de bombes lacrymogènes. Mais la ministre n'a pu esquiver les bwénis, ces femmes aux formes généreuses enveloppées dans d'amples salouvas colorés qui font la pluie et le beau temps dans cette société musulmane et matrilinéaire. «Quand je reçois un appel de l'école, j'ai toujours peur que quelque chose soit arrivé à mon enfant», raconte une mère de famille en ce jour de rentrée scolaire.

Depuis Paris, le gouvernement avait assuré que la reprise des cours aurait lieu normalement. Le vice-rectorat de Mayotte avait demandé aux enseignants et aux élèves de rejoindre l'établissement scolaire «le plus proche de leur domicile» s'ils ne pouvaient accéder à leur école, collège ou lycée. «Pour y faire quoi ?» tempête Henri Nouri, cosecrétaire départemental de la FSU Mayotte. Il n'y a, de fait, pas grand monde dans les salles de classe : les membres du Collectif de citoyens et de l'intersyndicale, à l'origine du mouvement, ont dressé des barrages, abattant même des arbres, dans toute l'île.

«Mascarade»

Un ras-le-bol partagé par la FSU, qui refuse cependant d'associer l'immigration clandestine (40% de la population est d'origine comorienne, dont la moitié en situation irrégulière) à l'insécurité. «Moi-même, j'ai été cambriolé par un Français», illustre Henri Nouri, qui préfère pointer l'explosion démographique : entre 2003 et 2014, le nombre d'élèves a augmenté de 48,9%. Conséquence : cinq collèges accueillent, bien au-delà de leurs capacités, plus de 1 500 élèves ! Et 60 des 180 écoles pratiquent le système de «rotation» : une même salle pour deux classes, les jeunes ayant donc cours soit le matin soit l'après-midi. C'est le cas des enfants de Cassim Soulaimana, père de famille désabusé, qui les envoie à l'école coranique «la moitié du temps»… Au total, selon l'Insee, 5 000 enfants ne seraient pas du tout scolarisés.

Mais le gouvernement s'est contenté à ce jour de mesures sécuritaires, dont la présence de gendarmes dans les bus scolaires. Ce lundi, Annick Girardin a de nouveau annoncé l'envoi ou le maintien de gendarmes et de policiers supplémentaires, ainsi que l'augmentation du fonds interministériel de prévention de la délinquance pour développer la vidéo-protection… La ministre a également promis la création d'un état-major opérationnel de lutte contre l'immigration clandestine, «à terre et en mer» et l'envoi «immédiat» par la marine d'un navire patrouilleur militaire, dans l'attente des nouveaux navires intercepteurs à l'été prochain. Un officier de liaison pourrait enfin être nommé au sein du ministère de l'Intérieur comorien «afin d'améliorer la lutte contre l'immigration clandestine». Peine perdue ! Un porte-parole du collectif des citoyens et de l'intersyndicale, contacté lundi soir, parle de «show» et de «mascarade». Le mouvement appelle à une nouvelle journée de mobilisation mercredi.