Emmanuel Maurel marche à petits pas, mardi, près de l’Assemblée nationale. Il sort d’un déjeuner avec une poignée de journalistes. Le candidat au poste de premier secrétaire du Parti socialiste est fatigué. C’est lui qui le dit. La campagne laisse des traces. Ces dernières semaines, lui et les trois autres candidats à la direction du PS (Stéphane Le Foll, Olivier Faure et Luc Carvounas) ont sillonné le pays à la rencontre des militants. Tous les soirs dans une section, une fédération. Des débats, des questions, des doutes. La fin du road trip est proche : ce jeudi, les militants départagent les aspirants avant un second tour le 29 mars. La direction du parti espère atteindre les 35 000 votants, soit moitié moins que lors du congrès de Poitiers, en 2015.
Lumière. Le mot «surpris» revient à chaque fois que l'on demande à un candidat de nous conter sa campagne. Ils n'ont pas été accueillis avec confettis et cotillons. Ils s'attendaient à rencontrer des militants les bras ballants, en quête d'une lumière ou d'une issue. Olivier Faure : «Chaque soir était différent, parfois j'étais devant une trentaine de militants, le soir d'après ils étaient trois fois plus. Mais il y a très peu de résignation, la politique de droite de Macron et le radicalisme de Mélenchon ont motivé les militants. Ils cherchent comme nous et avec nous les solutions pour que l'on retrouve notre place au centre de la gauche.»
On l'a constaté mardi soir, lors du débat entre les quatre candidats devant des militants parisiens à la Bellevilloise. Marc, jeune homme du XVIIIe arrondissement, milite depuis quelques années. Pour lui, à gauche, le PS est le seul parti capable de se «positionner» face à Macron et de gouverner «à nouveau» dans les années à venir. Un argument qui fait marrer les militants des autres formations, notamment de la France insoumise. Pour eux, PS rime avec passé. Marc défend sa patrie. «C'est vrai, François Hollande a fait pas mal de fautes lors du dernier quinquennat. Mais notre histoire et nos combats ne se résument pas à ces cinq dernières années», dit-il avant de conclure de manière étrange : «Peut-être que je me force à y croire, mais j'y crois encore au PS et au socialisme.»
A l'intérieur de la salle parisienne, Jean-Luc, un jeune militant d'une vingtaine d'années parle déjà comme un ancien : «On a besoin de la volonté de tous, on doit se mettre au travail collectivement. Et la solution ne passe pas par Paris. Notre parti doit se décentraliser, être dirigé à partir des territoires. C'est à partir de là qu'on pourra refonder, je suis très confiant.» Et la concurrence ? «La France insoumise et La République en marche sont trop jacobins pour réussir.» Un peu plus loin, une institutrice «fatiguée par les médias qui applaudissent Blanquer à chaque fois qu'il ouvre la bouche» nous confie qu'elle a eu peur de voir le PS disparaître : «J'ai longtemps hésité, j'ai pensé partir. On vit une période compliquée, le doute est présent. Mais ce n'est qu'un mauvais passage. C'est bien, parfois, de se prendre des claques, ça permet d'être moins arrogant et se remettre au boulot.»
Une analyse qui n'est pas propre aux seuls socialistes de la capitale. A écouter les militants bretons, partagés entre doutes et espoir de renouveau, ce prochain congrès est un peu celui de la dernière chance. «Si nous restons dans l'ambiguïté, nous disparaîtrons. Il faut en finir avec les politiques sociales-démocrates moribondes et que les militants assument une ligne claire avec les vraies valeurs du socialisme», assène Catherine Huon, militante à Brest, qui estime qu'on n'a «jamais eu autant besoin de socialisme». «On parle beaucoup de pauvreté aujourd'hui, mais les pauvres ce sont aussi ces travailleurs qui ne peuvent pas se payer de vacances ou aller au cinéma avec leurs enfants. Le PS doit répondre à ces questions-là et être au service de tous, pas seulement des élites et des nantis.»
«Elus locaux». A la tête d'une petite épicerie à Brest, Didier Herrouin, 54 ans, reste quant à lui attaché, «dans un monde où la valeur principale est l'argent», aux «valeurs humanitaires» du socialisme. Il se méfie du «parisianisme» du PS, un parti qui s'est coupé des classes populaires et où toutes les décisions sont prises dans la capitale. «Je reste un militant de base, insiste-t-il. Je soutiens d'abord nos élus locaux qui ont de vraies convictions et ont fait du bon boulot à Brest et en Bretagne. Et franchement, je ne comprends pas les gens d'En marche, ils croient à quoi ? On ne peut pas faire disparaître le PS d'un trait de plume. Pour moi, ce parti reste un rempart face à la mondialisation galopante.»
Militant de longue date à Plouha (Côtes-d'Armor), Joël Heuzé, 68 ans, pose, lui, un regard quelque peu désabusé sur le PS, mais réserve son mépris à tous «ces sociaux-démocrates qui sont allés à la gamelle et n'ont pensé qu'à leur intérêt» en rejoignant Macron. «Nous, on est restés fidèles», dit-il, en incluant ses camarades de section. Ancien syndicaliste et cadre dans le secteur de la santé, Joël Heuzé, peu sensible aux discours de Jean-Luc Mélenchon, croit aussi qu'il existe encore «une place pour une vraie gauche de compromis et non de compromission».
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