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Libération

Opération déminage à l’Elysée

La droite et l’extrême droite poussent pour instiller l’idée d’un chef de l’Etat qui ne s’occupe que des grandes villes, obligeant Macron à serrer sa communication.
Emmanuel Macron a visité mercredi à Tours (Indre-et-Loire) un Centre de formation des apprentis en compagnie de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. (Photo Albert Facelly)
publié le 14 mars 2018 à 21h16

Macron, «président des métropoles» indifférent au sort de la ruralité ? Les macronistes jugent cette accusation plus infamante et sans doute plus dangereuse que «Macron, président des riches». Martelée par l'opposition, notamment par les chefs de LR et du FN, Laurent Wauquiez et Marine Le Pen, elle suggère que le chef de l'Etat, ancien banquier nomade et mondialisé, serait irrémédiablement coupé de la France des territoires, celle qui ne montera jamais dans le train de la «start-up nation». «On ne va pas se laisser faire ! On va leur montrer qu'on sait faire de la politique», s'emporte-t-on à Matignon. Déplacements ministériels, séminaire gouvernemental décentralisé : plusieurs initiatives seront prises pour démontrer que le gouvernement se veut attentif aux territoires les plus reculés.

Ce jeudi, Macron doit se rendre dans une petite école à deux classes d'un village d'Indre-et-Loire, dont la pérennité serait garantie grâce à l'une des 40 «conventions ruralité» que l'Education nationale a déjà signées avec les acteurs locaux. Vendredi, le Premier ministre, Edouard Philippe, fera de la pédagogie sur une autre mesure combattue, au nom de la défense d'une ruralité persécutée, par la droite et l'extrême droite : la limitation à 80 km/h de la vitesse autorisée sur les routes départementales sans séparateur central. Une «mesure technocratique» contre laquelle LR lance cette semaine une campagne.

Record

En octobre, dans le JDD,Wauquiez assurait que, non content de ne rien connaître de «l'amour charnel pour la France», le chef de l'Etat serait animé d'une «haine de la province». Jusque dans les rangs de l'opposition, la charge a été jugée outrancière, voire délirante. En réalité, elle se fonde sur un calcul politique assez rationnel : Macron n'a-t-il pas fait ses meilleurs scores à l'élection présidentielle dans les grandes villes ? Et n'est-il pas vrai que les quinze plus grandes métropoles du pays concentrent 75 % de la croissance et 70 % des créations d'emplois ?

L'écart ne cesse de se creuser entre zones urbaines dynamiques et campagnes abandonnées : Wauquiez s'appuie sur cet imparable constat. Il ne lui a pas échappé, en outre, que parmi les 100 députés qui ont résisté au raz-de-marée LREM des législatives, beaucoup sont les élus des petites villes et des campagnes. Ceux des grandes villes ont été balayés. Depuis ce naufrage, la droite ne jure plus que par le géographe Christophe Guilluy, théoricien des «nouvelles fractures territoriales».

A grand renfort de communication, Macron ne ménage pas ses efforts pour montrer combien il se soucie de la France des villages : il se décrit ainsi comme un «enfant de la province», a tenu le mois dernier à établir le record du plus long séjour présidentiel au Salon de l'agriculture et confie boire du vin «midi et soir». Aussi multiplie-t-il les marques d'attention en direction des chasseurs, leur offrant une prolongation du permis de tirer sur les oies cendrées. Plus sérieusement, l'exécutif défend bec et ongles son bilan sur la ruralité : il rappelle «l'accord historique» avec les quatre opérateurs télécoms qui se sont promis d'investir pour garantir le haut débit partout en France avant fin 2020 et vante la prochaine reconnaissance d'un «droit à la différenciation», qui permettra aux collectivités de «pérenniser» des expérimentations qui sortent du droit commun.

Postes

Surtout, c'est sur l'école que l'exécutif s'estime victime d'un mauvais procès. «La vérité, c'est qu'on fait beaucoup pour la ruralité. On ne s'attendait pas à être attaqués là-dessus», confie-t-on à Matignon. A l'Assemblée comme au Sénat, il est très rare que le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, ne soit pas interpellé sur cette question. A chaque fois, il répète que près de 4 000 postes seront créés l'an prochain dans le primaire alors que la diminution globale du nombre d'élèves aurait pu justifier la suppression de 1 300 postes. Finalement, Blanquer annonce 250 fermetures de classes dans les 45 départements les plus ruraux. Dans un contexte de forte baisse démographique, il assure que ce nombre de fermetures est «plus bas» que celui des années précédentes.