«Trop facile de prendre des décisions et de les faire assumer par d'autres !» L'annonce lundi par le ministère du Travail du dernier volet de la réforme de l'assurance chômage a déclenché les foudres de la CPME, et de son négociateur Jean Eudes du Mesnil. Plus précisément le volet «gouvernance» qui prévoit, selon le ministère, de «donner à l'Etat un rôle accru dans le pilotage du régime, tout en conservant aux partenaires sociaux une place déterminante». Concrètement, désormais, en amont de toute négociation, «un document de cadrage sera transmis aux partenaires sociaux, précisant la trajectoire financière à respecter et fixant des objectifs pour l'évolution des règles de l'assurance chômage».
«C'est une reprise en main étatique qui ne dit pas son nom», s'agace le représentant de la CPME, qui menace de claquer la porte de l'Unédic, l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage. «Malgré des annonces se voulant rassurantes sur la gouvernance comme la non-étatisation de l'Unédic ou l'absence d'administrateur de l'Etat dans son conseil, nous sommes bel et bien dans un cadre étatique», abonde Eric Courpotin, de la CFTC. Et d'ajouter : «Avec un cadre financier contraint, vu les ressources de l'Etat, on peut très bien imaginer sa tentation de puiser dans les ressources et de contraindre un peu plus le cadre.»
«L’énarque Jacobin Macron»
Une crainte partagée par Jean-François Foucard, de la CGC, le syndicat des cadres : «Avec 45% du financement de l'assurance chômage qui viendra désormais de l'Etat [via la contribution sociale généralisée, ndlr], c'est une remise en cause claire du paritarisme. Quand on regarde bien, c'est même tout un pan de la protection sociale paritaire qui est ou sera repris en main par l'énarque jacobin Macron: la formation, l'Agephip [en charge de l'insertion professionnelle des handicapés], les retraites complémentaires, le 1% logement…» Plus optimiste, Yvan Ricordeau, de la CFDT, espère toutefois que la réforme ne clôt pas le débat : «On peut assister à tout et son contraire: la gouvernance peut rester telle qu'elle est aujourd'hui ou le gouvernement peut décider tout sans marge pour les partenaires sociaux.»
Si les partenaires sociaux voient donc - globalement - d'un mauvais œil cette nouvelle gouvernance, ils sont en revanche plus nuancés sur le volet «contrôle» et «accompagnement» des chômeurs. «La CPME approuve les mesures sur le renforcement du contrôle et l'accompagnement plus personnalisé des demandeurs d'emploi», souligne Jean-Eudes du Mesnil. Et notamment la «personnalisation» de l'offre raisonnable d'emploi (ORE) qu'un chômeur ne peut refuser plus d'une fois, sans quoi il risque une radiation temporaire. Pour mieux accompagner les chômeurs, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, propose en effet de redéfinir cette ORE qui «ne reposera plus sur des critères rigides s'appliquant de manière indifférenciée à tous les demandeurs d'emploi, mais sera déterminée au plus près du terrain».
«L’accent est quand même mis sur le contrôle»
Autre mesure, la refonte de l'échelle des sanctions que le gouvernement veut rendre «plus équitable et plus efficace». Selon cette nouvelle grille, les radiations pour absence à un rendez-vous avec un conseiller (70% des motifs de sanction) vont voir leur durée réduite par quatre (15 jours au lieu de 2 mois). Mais celles consécutives à une insuffisance de recherche d'emploi, par exemple, seront allongées.
Pour les uns, cette évolution est perçue comme un «renforcement» des menaces pesant sur les chômeurs (FO et CFDT). Pour les autres, c'est plutôt un allégement (CFTC et CGC). La nouvelle échelle de sanctions devrait, en tout cas, être plus facilement appliquée, d'autant que les pouvoirs de Pôle Emploi en la matière seront renforcés (à l'avenir, l'agence de placement pourra se passer de l'aval du préfet). «Entre accompagnement et contrôle, l'accent est quand même mis sur le contrôle», conclut la CFDT. Pour Denis Gravouil, de la CGT, cette nouvelle échelle traduit d'abord, avec l'augmentation du nombre d'agents en charge des contrôles (qui passeront de 200 aujourd'hui à 1 000 d'ici deux ans), «la volonté du gouvernement d'obliger les demandeurs d'emploi à accepter les contrats dégradés».