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Libération

Rideau sur «Ebdo» après onze numéros

publié le 22 mars 2018 à 20h16

Ebdo ferme boutique. A court d'argent un peu plus de deux mois après son lancement, comme Libération le racontait le 15 mars, le magazine créé par les fondateurs des revues de grand reportage XXI et 6 Mois publiera son onzième et dernier numéro vendredi. «Depuis un mois, notre situation économique s'est dégradée de manière spectaculaire, ont expliqué jeudi ses deux actionnaires majoritaires, Laurent Beccaria et Patrick de Saint-Exupéry, dans un message aux lecteurs. Les ventes et les abonnements sont désormais au plus bas. Nous avons essayé de répondre aux critiques et d'améliorer Ebdo, semaine après semaine. Sans succès.»

Mort-né. Faute de trésorerie, la société éditrice, Rollin Publications, s'est déclarée en cessation de paiement mercredi. Elle a rendez-vous le 4 avril au tribunal de commerce pour la suite des événements. Les dirigeants ont demandé la nomination d'un administrateur judiciaire, qui devrait logiquement placer l'entreprise en redressement et solliciter des offres de reprise. Dans le giron de Rollin, on trouve aussi XXI et 6 Mois, deux publications rentables. Nul doute que des repreneurs seront intéressés par le rachat de ces beaux actifs, grandes réussites journalistiques et économiques à mettre au crédit de Beccaria et Saint-Exupéry. Le duo, qui va devoir lâcher le résultat de ce travail de dix ans, a affirmé à l'AFP que des offres étaient déjà sur la table. Mais pour Ebdo et la quarantaine de salariés dédiés, l'avenir s'annonce très sombre.

La marque de presse semble plombée par son crash rapide et son image dégradée après une enquête mal ficelée sur une plainte pour viol, classée sans suite, contre le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot. Y aura-t-il des investisseurs pour relancer ce titre mort-né ? Le directeur général de Rollin, l'ancien ministre (PS) Thierry Mandon, s'active en coulisses pour monter un projet. «Il est optimiste, il dit qu'il a des contacts», explique un journaliste d'Ebdo. S'il reparaît un jour, le magazine n'aura sûrement pas une rédaction aussi étoffée, la même périodicité ou le même modèle économique, sans pub et sans version numérique.

Au sein de l'équipe, la stupéfaction a laissé place à un «sentiment de colère», témoigne un journaliste. Beaucoup de salariés, dont la plupart ont «quitté des CDI dans des rédactions établies», en veulent aux deux fondateurs de les avoir embarqués dans une coûteuse aventure sans avoir assuré son financement au-delà de trois mois. «Ils ont été très légers», déplore une autre journaliste.

Symptôme. L'augmentation de capital de 2 millions d'euros, prévue au départ, n'a pas été réalisée, d'abord pour des raisons de calendrier puis à cause de la mauvaise publicité liée à l'affaire Hulot. Un investisseur s'est en effet carapaté après la publication de cet article, et les prêts bancaires n'ont pu être débloqués dans la foulée. Ebdo s'est ainsi retrouvé étranglé : il aurait fallu trouver 8 millions d'euros pour continuer, a précisé Beccaria à l'AFP. «Il y a un rendez-vous manqué avec les lecteurs», a-t-il commenté. «C'est un échec commercial», a ajouté Patrick de Saint-Exupéry. Dans leur message aux abonnés, les deux hommes écrivent : «Un journal sans publicité ne peut pas vivre sans lecteurs. S'il ne se vend pas, il meurt. C'est la règle du jeu.»