«C'est horrible. On est choquées. Franchement, on est choquées.» Elles sont une demi-douzaine de femmes réunies au pied de leur immeuble. Nous sommes à Trèbes (Aude), dans le quartier de l'Aiguille, une cité située à quelques centaines de mètres du Super U où l'attaque a eu lieu. La route qui mène au supermarché est entièrement bloquée par des fourgons de gendarmerie, des hommes armés, d'autres encagoulés. En quelques heures, cette route semble s'être transformée en sentier de la guerre. Devant leur HLM, les femmes, toutes voilées, n'en finissent plus de commenter cette «chose horrible». Depuis 11 heures du matin, elles ont partagé leur temps entre le téléphone (avertir, rassurer les proches) et BFM TV. Toutes font part de leur incrédulité. Penchées par-dessus leur balcon, celles qui n'ont pas voulu descendre scrutent les escadrilles de journalistes qui piétinent sur la route.
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Un peu plus loin, d'autres commentent aussi les événements – un groupe d'hommes, les mains dans les poches, plutôt jeunes, plutôt grandes gueules. «Le gars qui a fait ça, non, on ne le connaît pas. C'était juste un fou, un mec qui a pété les plombs, un détraqué. Mais c'est toujours la même histoire : comme c'est un rebeu, on dit que c'est un islamiste radicalisé. Après, l'Etat islamiste [sic] n'a plus qu'à récupérer le truc, et à revendiquer. C'est tout bénef pour lui.»
Un quartier calme
Leur cité, disent-ils, abrite plus de dix nationalités. Marocains, Tunisiens, Algériens, Roumains, Bulgares, Tchétchènes… Les habitants s'entendent bien, le quartier est calme. «C'est vrai que ça se passe bien. Il y a des petits jeunes qui viennent fumer ici, on discute un peu», racontent Alain et Annick. Le couple habite à quelques rues de là, dans un lotissement planté tout près des HLM. «Généralement on est tranquilles ici. Aujourd'hui c'est absolument désert. Depuis ce matin, tout le monde est resté enfermé, cloîtré.» Les rues de ce secteur pavillonnaire sont en effet désertes. On dirait que la vie s'est arrêtée depuis la fin de la matinée. Seules deux voisines âgées pointent le bout de leur nez. «Moi qui vais à l'église tous les dimanches, maintenant je vais avoir peur d'aller à la messe», commente l'une d'elles. De leurs maisons, elles disent avoir entendu des tirs. Puis les hélicos. Puis ont assisté au ballet des gyrophares. Elles aussi ont du mal à réaliser. Ici, côté cité ou côté pavillon, tout le monde fait ses courses dans ce supermarché.
«Tiens, regardez, voilà l'infirmière qui habite en face. Elle va nous en dire plus.» La jeune femme travaille en effet à l'hôpital de Carcassonne. Elle a vu arriver aux urgences le CRS blessé lors du premier assaut, puis partir les équipes de secours sur le site du supermarché, à Trèbes. «Tout le monde est resté calme. On a libéré des box, appelé des équipes Smur en renfort, tout était bien organisé. C'est là qu'on voit l'intérêt des simulations de situations de crise, heureusement qu'on en fait régulièrement…» La jeune infirmière est enceinte. Elle dit que «ça va», qu'«il faut bien». Mais elle a appris que le boucher du supermarché avait été tué. «Je le connaissais», dit-elle.