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Libération
Prise d'otages

Attentats : l'EI réapparaît en terrain français

Vendredi, dans l’Aude, un homme se revendiquant de l’Etat islamique a tué trois personnes et en a blessé 16 autres. Preuve que les terroristes sont toujours une menace dans le pays.
Vendredi après-midi, sur les lieux de la prise d’otages, après l’assaut du GIGN. (Photo Xavier Malafosse pour Libération)
publié le 23 mars 2018 à 21h26

Trois morts et seize blessés, dont deux gravement. La France a été une nouvelle fois visée par une «attaque terroriste islamiste», selon les mots choisis par le président de la République, Emmanuel Macron, vendredi en milieu d'après-midi, lors d'une allocution depuis le ministère de l'Intérieur. C'est le deuxième attentat depuis son élection en mai 2017. En octobre, deux jeunes femmes étaient mortes lors d'une attaque au couteau sur le parvis de la gare Saint-Charles, à Marseille, revendiquée par l'Etat islamique. Ce vendredi, le groupe terroriste s'est une nouvelle fois attribué la paternité des trois attaques de l'Aude et le parquet antiterroriste a été saisi d'une enquête. Dans ce cadre, une femme a été placée en garde à vue et des premières perquisitions ont été réalisées.

Le périple meurtrier de Radouane Lakdim, Franco-Marocain de 25 ans, commence en début de matinée à Carcassonne. Le terroriste, fiché S depuis 2014 et qui s’est revendiqué de l’Etat islamique lors des attaques, braque dans un premier temps les occupants d’une voiture dans le site des Aigles de la cité de Carcassonne, un peu après 10 heures. Un passager est alors tué par balles et son conducteur grièvement blessé. Quelques instants plus tard, désormais au volant du véhicule volé, Radouane Lakdim semble effectuer des repérages près d’une caserne militaire, selon le récit livré par le procureur de la République de Paris, François Molins, lors d’une conférence de presse tenue vendredi en fin de journée.

«Plusieurs détonations»

Puis, après avoir un peu attendu, le terroriste roule vers une autre caserne, cette fois-ci de policiers des compagnies républicaines de sécurité (CRS). C'est à ce moment que quatre d'entre eux sont pris pour cible alors qu'ils terminent un footing, le terroriste ouvrant le feu avec son arme de poing. «Six douilles ont été retrouvées», selon François Molins. Un CRS est alors blessé par une balle au niveau de l'épaule.

Après ces deux premières attaques, Radouane Lakdim roule une dizaine de kilomètres jusqu'au village voisin de Trèbes. C'est là, dans un supermarché Super U, aux abords de la route départementale 6113, que débute sa prise d'otages vers 11 h 15. «Une cinquantaine de personnes se trouvaient à l'intérieur au moment de l'attaque», a indiqué le parquet. «Il est entré en criant "Allah Akbar"», a précisé François Molins.

«On est rentré, on a fait quelques courses et, quelque temps, après on a entendu plusieurs détonations. Je suis allé voir ce qu'il en était, j'ai aperçu un homme à terre et une personne très excitée qui avait une arme de poing dans une main et un couteau dans l'autre, et qui criait "Allah Akbar", a raconté un client au quotidien régional la Dépêche du Midi. On est allé se mettre à l'abri dans un frigo de boucher, fermé de l'intérieur. Moi, je suis ressorti, je suis allé en direction du gars, j'ai appelé la gendarmerie, je leur ai dit ce qu'il se passait, j'ai donné le signalement de l'individu avec ce qu'il avait dans les mains.»

Le boucher et une cliente du magasin sont morts, touchés par des balles, tandis qu'une femme est retenue comme otage par le terroriste. Rapidement, une première équipe de gendarmes arrive sur place. Le plus gradé d'entre eux, lieutenant-colonel en poste dans la région depuis moins d'un an, négocie la libération d'otages avec le terroriste en proposant de prendre leur place. Ce que le terroriste accepte : «Il menaçait de tout faire sauter en cas d'intervention de la gendarmerie», a précisé François Molins.

Ancien commandant de la compagnie du Mont-Saint-Michel, le gendarme désormais otage du terroriste, profite d’être à l’intérieur du supermarché pour poser son téléphone allumé sur une table, permet tant ainsi d’établir un canal d’écoute pour les forces de l’ordre positionnées autour du magasin.

A 14 h 20, de nouveaux coups de feu sont entendus. Immédiatement, les gendarmes d’élite du GIGN entrent dans le supermarché. Le terroriste est tué lors de l’assaut, tandis qu’un gendarme est, lui, blessé par balles à la jambe.

«Petite délinquance»

Au moment de l'assaut, le président de la République, Emmanuel Macron, est en conférence de presse à Bruxelles au côté de la chancelière allemande, Angela Merkel. Le chef de l'Etat justifie alors son action contre le terrorisme : «Depuis mon élection, je n'ai jamais levé le dispositif, au contraire. J'ai maintenu des réunions hebdomadaires du conseil de sécurité et de défense nationale. J'ai demandé au gouvernement de passer un texte de loi qui a renforcé le contrôle, la sécurisation et les éléments de suivi.» Questionné par des journalistes, Emmanuel Macron a ajouté que l'exécutif n'a «jamais fait mystère du fait que [la menace terroriste] restait élevée».

Arrivé dans l'Aude dès le milieu de l'après-midi, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, a donné des premiers détails sur les attaques et le profil de Radouane Lakdim. «Il était connu pour des faits de petite délinquance, nous l'avions suivi et nous pensions qu'il n'y avait pas de radicalisation, mais il est passé à l'acte brusquement», a-t-il assuré, la voix grave, en précisant que l'auteur de ces attaques avait «agi seul». Il a aussi rendu hommage au lieutenant-colonel de gendarmerie «gravement blessé» : «Un acte d'héroïsme comme en sont coutumiers les gendarmes et les policiers qui s'engagent au service de la nation pour protéger nos concitoyens.»

Un peu avant 16 heures, les attaques terroristes ont été revendiquées par l'Etat islamique dans un communiqué de son agence de propagande. Radouane Lakdim y est qualifié de «soldat de l'Etat islamique, qui a agi en réponse à l'appel» de l'organisation.