«Tolérance zéro.» A la suite de l'enquête de Libération qui a révélé le système bien rodé d'exclusion des filles au sein des classes préparatoires du lycée militaire de Saint-Cyr-l'Ecole (Yvelines), la ministre des Armées a joué la fermeté, mais pas la surprise. Invitée de RTL vendredi matin, Florence Parly a jugé «inacceptables» les cas de harcèlement rapportés dans notre journal. Vendredi, nous révélions les insultes, les coups bas, le harcèlement moral subis tout au long de l'année par les élèves filles. La ministre a promis des «mesures» contre les «tradis», ce groupe de garçons à l'origine du harcèlement sexiste. «Nous redoublerons d'efforts pour que ce comportement de minorité, car il s'agit bien d'une minorité agissante, cesse, a-t-elle assuré. Il est inacceptable au XXIe siècle que des jeunes filles soient l'objet de telles discriminations.» La ministre a brandi la menace d'«exclusions» de certains élèves du lycée ou de «sanctions éventuelles contre le corps enseignant, si celui-ci ne prend pas les mesures qui conviennent».
«Insupportable». Quelques heures plus tard, sa secrétaire d'Etat Geneviève Darrieussecq a embrayé sur les réseaux sociaux : «Le harcèlement est inadmissible. Que cela se passe à Saint-Cyr, malgré les premières alertes, m'est insupportable, a-t-elle réagi sur Twitter. Comptez sur moi pour faire prendre les mesures nécessaires.» Des alertes, il y en a eu, en effet : le phénomène de harcèlement moral et misogyne au sein des classes prépa militaires est connu du ministère des Armées. Depuis 2014, une inspection générale a lieu tous les ans dans les six établissements scolaires militaires, donnant lieu à chaque fois à un rapport. En 2015, la section sciences économiques de la prépa du lycée militaire de Saint-Cyr a été supprimée, en réaction à des «comportements discriminatoires à l'égard des élèves féminines» et des «conduites vexatoires et blessantes». En 2018, ces pratiques n'ont toujours pas cessé, notamment dans la section lettres du même établissement.
La situation «est totalement contraire aux valeurs de la République, s'est insurgée, de son côté, Marlène Schiappa. Nous ne tolérerons pas qu'une minorité maltraite des femmes et salisse l'image des armées.» Alertées par notre enquête, la secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes et Geneviève Darrieussecq se sont rencontrées vendredi après-midi pour examiner en urgence la situation de l'établissement. Libération s'est également rendu vendredi matin au colloque organisé à la Sorbonne par l'association des élèves et anciens élèves de l'école de Saint-Cyr, autour du thème de «la défense des valeurs de la France». Les généraux qui défilaient sur scène ont tour à tour évoqué «l'éthique», les «valeurs exemplaires» et la «fierté» de l'armée. Mais aucune allusion - au moins publique - à notre enquête.En revanche, dans l'assemblée, on notait des rictus et beaucoup de paires d'yeux rivées sur les smartphones branchés sur le site de Libé.
Témoignages. Toute la journée, notre rédaction a reçu plusieurs dizaines de nouveaux témoignages. Ils concernent plusieurs lycées militaires et différentes périodes, mais avec une tonalité générale : «Moi aussi, j'ai subi ou constaté ces agissements.»
[ Retrouvez une vidéo d’explication des auteurs de l’enquête sur la page Facebook de Libération. ]