Le professeur Patrick Yeni, longtemps chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat à Paris, préside le Conseil national du sida et des hépatites virales depuis 2012.
Enfin, la question de la notification est abordée publiquement, soit plus de trente-six ans après l’arrivée du virus. Quel aveu d’échec !
Je ne parlerais pas d’échec, mais d’un constat : la notification de la séropositivité d’un patient à son ou ses partenaires n’était pas dans notre tradition médicale. Depuis deux ans, au Conseil, on y a travaillé et les cliniciens, comme le milieu associatif, étaient très demandeurs. Il fallait sortir de l’indifférence sur ce sujet, d’autant que le dépistage en population générale a montré ses limites : il y avait nécessité d’aller vers un dépistage le plus ciblé possible, ce à quoi contribue la notification formalisée.
Vous avez installé votre dispositif à la française sur trois piliers juridiques. Quels sont-ils ?
D’abord, le respect du consentement du patient. C’est la pierre angulaire : la notification ne peut pas être obligatoire, c’est une décision basée sur le consentement libre et éclairé de la personne. Deuxième pilier, le secret médical et le secret professionnel pour les professionnels de santé non médecins. C’est une obligation légale à laquelle on ne peut quasiment pas déroger. Interrogé sur le sujet, l’ordre des médecins s’oppose clairement à ce que le médecin procède lui-même à la notification. Dès lors, la notification par un professionnel de santé ne pourrait être qu’anonyme afin que la personne à qui l’on va dire qu’elle a eu une relation avec une personne qui s’est révélée séropositive ne puisse pas savoir qui c’est. Et ce n’est pas simple, cet anonymat peut être difficile à préserver. Il nous apparaît dès lors important qu’il y ait une évolution des conditions légales et réglementaires permettant de concilier la notification par un tiers et l’obligation de secret professionnel de ce dernier. Avant cela, la notification sera essentiellement portée par les patients eux-mêmes, avec le soutien du personnel de santé.
Et le troisième pilier ?
C'est le respect de la vie privée de la personne notifiée. Et donc la confidentialité des informations qui lui sont transmises. La Cnil [Commission nationale de l'informatique et des libertés, ndlr] est ferme, la notification par un professionnel de santé impose donc des formalités telles que la conservation brève et sécurisée des données du partenaire, mais aussi son information sur le traitement des données le concernant.
Cela fait beaucoup de contraintes…
On a fixé des recommandations, mais ce n’est qu’un avis. Ce qui est essentiel, c’est que cet avis soit porté politiquement pour qu’il ne reste pas à l’état de simple et bonne idée mais conduise à une prise de conscience. Une campagne grand public serait aussi utile. Pour le reste, cela nécessite peu d’argent. Et cela peut permettre de rendre le dépistage des infections sexuellement transmissibles beaucoup plus efficace.
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