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Tout ce que vous avez voulu savoir sur la procédure visant Sarkozy

L’ancien chef d’Etat a été mis en examen après sa garde à vue dans le cadre de l’enquête sur des soupçons de financement libyen de sa campagne électorale de 2007. «Libération» répond à vos questions.
Nicolas Sarkozy lors du Conseil national de LR le 14 février 2016, à Paris. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 23 mars 2018 à 20h56

Pourquoi est-il mis en examen alors qu’il y a prescription ?

Contacté par CheckNews, un magistrat répond à votre question. Premièrement : «La prescription ne court pas à compter du moment où l'argent a été supposément remis (2006-2007), mais à partir du moment où les faits pouvaient être connus du ministère public.» Selon le rapport de synthèse de l'Office anticorruption, que CheckNews a pu consulter, cette date correspond au 19 décembre 2012. Date à laquelle Ziad Takieddine, homme d'affaires franco-libanais entendu par le juge Renaud Van Ruymbeke dans le cadre d'une autre affaire, a déclaré que le régime de Muammar al-Kadhafi se serait montré particulièrement généreux envers la France. «Je peux vous fournir les éléments existants sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy», assurait alors Takieddine.

Dans cette affaire, le délai de prescription court donc depuis le 19 décembre 2012. La durée de la prescription, depuis février 2017, est de six ans pour les délits. Mais en 2006-2007, au moment des faits supposés, elle était de trois ans. La justice appliquant la loi au moment des faits, le délai de prescription dans cette affaire est donc de trois ans. Ce qui ne signifie pas qu'il y a nécessairement prescription trois ans après que les faits ont été connus du ministère public. En effet, chaque acte d'enquête (auditions, perquisitions, saisies, constatations, garde à vue, interceptions téléphoniques, réquisitions, etc.) interrompt le délai de prescription et «remet le compteur à zéro».

En résumé : pour que la procédure soit annulée pour cause de prescription, il aurait fallu qu’à compter de décembre 2012 (moment de la prise de connaissance des faits supposés par le ministère public), il n’y ait aucun acte d’enquête pendant plus de trois ans (durée correspondant au délai de prescription au moment des faits supposés, soit en 2006-2007). Difficilement pensable depuis l’ouverture, par le parquet de Paris, d’une enquête préliminaire le 17 janvier 2013 sur les soupçons de financement libyen.

Question posée par Nejia.

Peut-on dormir chez soi lors d’une garde à vue ? 

La garde à vue de Nicolas Sarkozy a débuté mardi dans la matinée. Elle s’est achevée mercredi soir. Dans la nuit de mardi à mercredi, cette garde à vue a été suspendue et Nicolas Sarkozy a dormi à son domicile. Est-ce normal ou fréquent qu’une garde à vue soit suspendue pour permettre à la personne de dormir chez elle ? Non, assure un magistrat contacté par CheckNews.

«La pratique qui consiste à suspendre une garde à vue pour laisser la personne dormir chez elle, en droit commun, ça se voit extrêmement rarement.» Selon la même source, «en droit commun, le gardé à vue est entendu et reste à la vue des enquêteurs jusqu'à la fin de la mesure de l'enquête». L'idée est d'empêcher pendant tout le temps de la mesure la personne de détériorer des preuves, ou de se concerter, ou de faire pression sur d'autres auteurs, complices ou témoins. Sur le plateau de BFMTV, le très médiatique avocat Eric Dupond-Moretti s'est aussi étonné des conditions particulières de cette garde à vue. «Ce qui est assez stupéfiant, c'est que c'est une garde à vue qui a été interrompue la nuit. Je n'ai jamais vu ça en trente-cinq ans de carrière.» Il a aussi ajouté : «C'est tout de même assez singulier, la garde à vue se termine le soir, il rentre chez lui la nuit, et la nuit il peut peut-être communiquer avec ses proches et on reprend le lendemain.»

Question posée par Romain.

Quelle peine encourt-il ?

L’ex-président est poursuivi pour «corruption passive», «financement illégal de campagne électorale» et «recel de détournements de fonds publics libyens». Les enquêteurs soupçonnent en effet Sarkozy d’avoir reçu de l’argent de la part de Muammar al-Kadhafi pour financer sa campagne de 2007. En 2018, la corruption passive est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 000 000 d’euros d’amende selon l’article 435-1 du code pénal. En 2007, au moment des faits - et c’est ce qui sera retenu par le juge en cas de condamnation de l’ex-chef de l’Etat -, la corruption passive était punie de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende.

Concernant le financement illégal de campagne électorale, Nicolas Sarkozy risque un an de prison et 3 750 euros d’amende. C’est ce qui était inscrit dans le code électoral en 2007. Le droit français a depuis évolué sur la question : en 2018, le financement illégal de campagne électorale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 d’amende.

Enfin, concernant le recel de détournements de fonds publics libyens, Nicolas Sarkozy risque cinq ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende, selon l’article 321-1 du code pénal.

Pour résumer : l’ancien président de la République risque au maximum dix ans de prison, puisque les peines ne sont pas cumulatives.

Question posée par Toby.

S’il est condamné, continuera-t-il à bénéficier des avantages réservés aux ex-présidents ?

Contacté par CheckNews, un magistrat répond à votre question : «Aucune disposition particulière n'est prévue à ce jour par la loi à propos d'une éventuelle déchéance d'avantages liés au statut d'ancien président de la République.»

Au titre d’ancien chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy bénéficie de plusieurs avantages. Il perçoit notamment une dotation de 65 000 euros brut par an, une mesure entérinée par la loi depuis 1955. Il dispose aussi d’un appartement de fonction meublé et équipé, dont la maintenance et les charges sont assurées par l’Etat. Deux employés sont affectés au service de cet appartement. Les ex-présidents bénéficient aussi, pendant cinq ans, d’une équipe de sept collaborateurs permanents et de deux agents de service. Au-delà, ce nombre est réduit à trois collaborateurs et à un agent de service, et ce depuis un décret signé par François Hollande en 2016. Ce délai, courant à compter de la date d’entrée en vigueur du décret, Nicolas Sarkozy bénéficiera d’une équipe de sept personnes jusqu’en 2021. Autant d’avantages qui ne seront pas remis en cause par une éventuelle condamnation.

Question posée par Erwann.