Ce sont trois petits mots qui se posent partout sur la Côte d'Azur. Neuf lettres apparues dans le paysage méditerranéen, de la promenade des Anglais au sommet des stations de ski. Des mugs dans les boutiques de souvenirs à la signature des mails des employés de la mairie. Des photos souvenirs des touristes aux tweets des politiques. #ILoveNice est devenu le slogan incontournable de la capitale azuréenne et de sa métropole, une marque à laquelle il est impossible d'échapper.
L'histoire d'#ILoveNice commence deux mois après l'attentat du 14 juillet 2016. «Pour vaincre l'obscurantisme, remémorons-nous ce qui anime notre joie de vivre chaque instant, encourage la ville sur son site. Quoi de plus fort que de créer une chaîne de solidarité pour fédérer et répandre les énergies positives ? Nice est toujours aussi belle, aussi resplendissante et demeure un havre de paix pour qui veut venir goûter à la douceur de vivre de la French Riviera.» La commune invite les internautes à déclarer leur flamme pour la capitale azuréenne dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, en tenant une pancarte #ILoveNice. Objectif : diffuser une douce image faite de «plages», de «soleil» et de «pan-bagnat» [sic] pour faire revenir les touristes effrayés par l'attentat. Et booster Nice face aux autres destinations. Après le hashtag, c'est une structure de métal de 8 mètres de long à 9 000 euros qui s'ancre en centre-ville. Des répliques sont déposées à l'arrivée de télésièges à Auron et Isola 2000, à plus de 2000 mètres d'altitude (et 90 km de Nice). Puis c'est l'emballement. 150 000 publications sur Instagram. Une «boutique officielle de la ville de Nice» vend des casquettes, des tabliers, des tongs siglés du slogan. Une statuette #ILoveNice est offerte par Christian Estrosi à chaque passage de sportifs ou politiques dans son bureau, de l'ancien Premier ministre israélien Ehud Barak à la vice-championne olympique de snowboard Julia Pereira.
Alors oui, nous aussi on s’est fait prendre au piège. Un soir de nouvel an, on s’est appuyée contre le «N» rouge, une amie lovée dans l’anse du «C» et une autre calée sur le «I». Un troisième copain a pris la photo, illico postée sur les réseaux sociaux. Le lendemain de ce 31 décembre 2016, on s’est demandé si «on aim[ait] vraiment Nice» au point de participer à cette communication agressive. C’est là qu’on a regretté. Regretté d’avoir été tentée par les sirènes de ce que les écoles de commerce et de communication appellent le «branding». Regretté d’avoir été considérée comme des sujets de publicité.
Mais le 1er avril 2017, #ILoveNice se volatilise. Ouf, l'immense structure a pris ses cliques et ses claques et s'est fait la malle. La ville lance les recherches. «Le #ILoveNice a disparu !!!» s'affole-t-elle sur Twitter. Les médias (faussement naïfs) s'en inquiètent. Coup de com réussi pour la ville. L'immense structure a été remplacée par une carcasse de «poisson d'avril». Une blague qui nous reste en travers comme une arête qui viendrait se loger dans la gorge. Les neuf imposantes lettres sont revenues sur la Prom aussi vite qu'elles sont parties. Et si ce 1er avril 2018, #ILoveNice (et son matraquage commercial) disparaissait définitivement ?