Ils se voient comme des lanceurs d'alerte : jeudi à Lille, des enseignants-chercheurs opposés à la réforme d'entrée à l'université ont annoncé que sept sections refusaient d'organiser des commissions de classement des dossiers de lycéens reçus (espagnol, japonais, sociologie, information et communication, sciences politiques, anthropologie et culture). Thomas Alam, maître de conférences en sciences politiques, ironise : «Parcoursup, c'est une immense gare de triage, et c'est à nous de faire le travail d'aiguillage. Pour ma filière, nous avons 2 500 voyageurs potentiels pour 580 places.» Et pas question de seulement classer les candidatures en trois tas, l'un pour les «oui», l'autre pour les «oui, si», le dernier pour les «non». Il s'agit d'attribuer un rang pour chacun, sans possibilité d'ex aequo. De quoi devenir chèvre, estiment-ils.
La vice-présidente chargée de la formation à l'université de Lille, Lynne Franjié, modère le propos : «Un module d'aide à la décision établira un préclassement à partir des critères établis sur des critères pédagogiques définis par les équipes enseignantes.» D'après elle, les sections n'auront plus qu'à valider le choix ainsi opéré et lire les lettres de motivation pour repêcher telle ou telle candidature. Les enseignants-chercheurs, eux, s'étranglent : «Personne n'aura le temps de lire les lettres de motivation. Et on connaît le biais sociologique…»
Les contestataires et la vice-présidente se rejoignent sur le manque de moyens et sur la rapidité de la mise en place du dispositif : les décrets paraissent en même temps que les lycéens finalisent leurs choix. «Ils sont en train de construire un système qui va bugger, et qui produit de l'injustice», avertissent les enseignants-chercheurs.