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Libération
A la barre

Pour l'instant, l'héritage de Johnny enrichit les avocats

Les deux aînés du chanteur demandaient le gel des biens et de la sortie d'un album posthume. Décision dans deux semaines.
Les avocats de Laura Smet, la fille de Johnny Hallyday, Pierre-Olivier Sur (G) et Hervé Témime à leur arrivée au palais de justice de Nanterre le 30 mars 2018 (Photo ALAIN JOCARD. AFP)
publié le 30 mars 2018 à 20h09

L'audience médiatiquement très attendue sur l'héritage de Johnny, vendredi devant le tribunal de Nanterre, tourne sur une question de préséance. Qui est assignée par David et Laura, les deux aînés du chanteur? «Læticia Boudou, épouse Smet», martèle jusqu'à satiété leurs avocats. «Madame Hallyday», rétorque son propre défenseur. «Si elle veut se faire appeler Hallyday, c'est qu'elle a décidé d'entrer en scène», martèlent les premiers. L'étiquette n'est pas neutre, s'agissant d'une querelle entre héritiers de celui qui aura eu plusieurs vies avant de décéder en décembre 2017.

Avant d'aborder le(s) fond(s) du problème, le gel temporaire des biens du défunt et de la sortie de son album posthume, chacun s'accuse mutuellement à la barre de déborder du cadre strictement judiciaire. «Depuis deux mois, une campagne médiatique jamais égalée, orchestrée contre ma cliente la traîne dans la boue, l'assassine moralement», s'indigne Ardavan Amir-Aslani, avocat de Læticia – pour faire court et neutre. «Mme Boudou est une communicante hors pair, une sacrée manipulatrice qui se place sur le terrain médiatique sans l'assumer», rétorque en échos l'une des trois avocats de David, ironisant au passage : «Il y a plus de communicants chez vous que d'avocats chez nous.» De fait, de nombreux articles ou reportages plus qu'amicaux avec la veuve dans Paris Match en portent la trace.

Six testaments

On finit quand même par entrer dans le vif du sujet juridique. De son vivant, six testaments, trois contrats de mariages successifs apportent la preuve réitérée de la volonté de Johnny : tout refiler à Læticia. Sauf que son dernier acte, la constitution d'un trust aux Etats-Unis, la désignant comme seule bénéficiaire de tous ses biens, est brinquebalant: manque la désignation du trustee chargé de gérer le patrimoine sous une apparence d'indépendance. «Il n'y a pas de trustee, on se moque de nous !, s'insurge Hervé Témime, l'un des avocats de David. Car un trust sans trustee, cela n'existe pas, il n'a aucune valeur.» Son confrère et contradicteur, Me Amir-Aslani, tempère vaguement : «Normalement, dans les semaines qui viennent, on aura un trustee et vous pourrez l'assigner.» Façon de gagner du temps, sauf que d'ici là son trust ne vaut pas un clou. Mais il s'accroche à ce karma : «Mme Hallyday n'est propriétaire de rien, elle ne dispose d'aucun pouvoir sur des biens dont elle ne saurait disposer. Seul le trust est le continuateur de son défunt mari.» Au passage, il s'emmêle un peu les pinceaux dans ses conclusions, écrivant noir sur blanc : «Même si elle est mentionnée comme exécuteur testamentaire [soit chargée de gérer personnellement la succession, ndlr], elle n'est pas pour autant exécuteur testamentaire»… Comprenne qui pourra.

Il est enfin question de musique, à propos du désormais fameux album posthume de Johnny Hallyday, avec dix chansons enregistrées de son vivant sans toutefois l'entièreté de son appareillage instrumental. «David, en tant que musicien et fils de son père, est bien placé pour juger d'une éventuelle dénaturation», lance l'un de ses avocats. Entre alors en scène celui de Warner, Eric Lauvaux, qui apporte cette précision historique : dès avril 2014, le chanteur avait créé une boîte américaine en charge de tous ses droits musicaux. Il estime que l'album était quasi fini : «Johnny souhaitait juste ajouter quelques chœurs ou violons», avant d'emballer le tout. «Rien n'a été fait de ce qu'il n'aurait pas voulu», plaide-t-il, texto du chanteur à Warner vantant un «album pour faire taire tous ces cons».

Peu belliqueux et soucieux d'arranger tout le monde (y compris le retour sur investissement de Warner Music, qui selon lui a déjà dépensé plusieurs centaines de milliers d'euros), le très courtois Me Lauvaux suggère : «Je peux vous le faire écouter maintenant, si vous voulez.» Les avocats de Laura et David, jurant qu'il n'est absolument pas question pour eux d'interdire sa commercialisation, se disant simplement «navrés» de devoir réclamer en justice sa simple écoute préalable, semblent prêts à saisir la main tendue. Quand tombe, sèchement, la réponse du défenseur de Læticia : «Elle aurait été d'accord, avant cette affaire.» C'est donc niet. Jugement le 13 avril.