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Libération

SNCF : pour amadouer les cheminots, la ministre joue avec les ordonnances

publié le 30 mars 2018 à 20h06

Il s'agissait de calmer le jeu avant les premiers jours de grève à la SNCF, prévus les 3 et 4 avril, qui s'annoncent «très suivis» selon Guillaume Pepy. D'ailleurs, le PDG de l'entreprise a conseillé aux voyageurs de renoncer au train dès lundi 2 avril à partir de 19 heures. La ministre des Transports, Elisabeth Borne, y a donc été de sa bonne nouvelle après 30 réunions de concertation tenues avec les syndicats dans le cadre de la réforme du système ferroviaire français : «Le dialogue a été constructif. L'ouverture à la concurrence ne se fera pas par ordonnances», a-t-elle annoncé avec une pointe de satisfaction vendredi.

Dans sa volonté de plier, avant l’été, le dossier de la mutation de la SNCF, le gouvernement a décidé de procéder par ordonnances, de manière à éviter un débat parlementaire et son lot d’amendements. Une méthode jugée pour le moins brutale par les représentants des cheminots. Une porte avait toutefois été laissée ouverte. Certains sujets, négociés pendant la concertation, pouvaient être sortis des ordonnances et remis dans le jeu parlementaire, via des amendements.

Sursis. C'est donc justement ce qui s'est partiellement produit sur un pan de la réforme de la SNCF. La ministre a proposé vendredi que le Parlement débatte de l'assouplissement du calendrier et des modalités de l'ouverture à la concurrence, prévue pour décembre 2019. Seul le réseau francilien, compte tenu de sa «complexité», bénéficiera d'un sursis. Les grandes manœuvres commenceront en 2023 et s'étendront jusqu'en 2033 et même 2039 pour la mise en concurrence sur les lignes A et B du RER.

Pour les autres régions, le projet gouvernemental prévoit qu'elles pourront dès 2019 lancer des appels d'offres sur les lignes dont elles ont la responsabilité. L'opérateur retenu ne sera plus automatiquement la SNCF, mais un de ceux qui ont manifesté leur intérêt pour ce marché, comme l'allemand Deutsche Bahn ou les français Veolia et Transdev (filiale de la Caisse des dépôts). Ce sera donc au Parlement et non plus au gouvernement de trancher sur ce dispositif, dès le 3 avril. Tout en sachant qu'avec la large majorité dont dispose La République en marche à l'Assemblée, la probabilité que les amendements du gouvernement soient chahutés ou réécrits est assez faible. Pour autant, le non-recours aux ordonnances sur cette question ne signifie pas que gouvernement et syndicats sont sur la même longueur d'onde. Dès lors qu'un nouveau transporteur récupérera une ligne de la SNCF, il héritera normalement des agents qui font fonctionner le service. Toute la question est alors de connaître les conditions du transfert. En clair, est-ce que les dispositions du statut des cheminots perdureront pour ceux qui seront transférés ? «Les cheminots pourront emmener un certain nombre de garanties, comme leur rémunération et leur régime spécial de retraite», a précisé à ce sujet la ministre des Transports.

Reste le cas des cheminots qui refuseront un transfert ou qui voudraient retourner à la SNCF après avoir été transférés. Pour l’instant pas de position officielle du gouvernement. Or, si ces points ne sont pas réglés par un texte de loi, ils ne pourraient plus figurer que dans un accord d’entreprise. Ce qui signifie qu’ils pourraient dans ce cas être dénoncés au bout de quinze mois par un concurrent de la SNCF qui reprendrait des cheminots. A l’issue de cette période, des conditions de travail bien moins favorables pourraient être instaurées.

Fossé. C'est précisément ce que veulent éviter les quatre syndicats représentatifs à la SNCF (CGT, Unsa, Sud-Rail et CFDT). Vendredi matin, à la sortie d'une réunion avec la ministre, les représentants des cheminots ne cachaient pas leur «mécontentement» pour les uns et leur «exaspération» pour les autres, avant de conclure à l'unanimité : «Les concertations en cours n'arrêteront en rien le mouvement de grève prévu.» Moins d'une heure plus tard, Elisabeth Borne confirmait le fossé qui subsiste avec les syndicats : «Avancer dans la concertation, ça ne veut pas dire être d'accord.»