Le parquet de Turin a annoncé dimanche avoir ouvert une enquête sur la présence de douaniers français dans un local de la gare de Bardonecchia, une commune alpine frontalière italienne, occupé par une ONG. Sont envisagés à ce stade encore préliminaire plusieurs chefs dans cette enquête, dont «abus de pouvoir», «violence privée» et «violation de domicile», selon une note du procureur de Turin, citée par l’agence italienne Agi. La justice italienne pourrait aussi y ajouter le chef «d’acte de perquisition illégal».
Le parquet avait reçu au préalable un rapport du commissariat de la petite station de ski alpine de Bardonecchia sur l'entrée de douaniers non identifiés dans un local mis à disposition de l'ONG Rainbow for Africa, afin de soumettre un Nigérian repéré dans un train à un dépistage urinaire de drogue. La France a jugé samedi que la présence des douaniers était parfaitement légale, mais le ministère italien des Affaires étrangères n'est pas de cet avis. Ce dernier avait convoqué samedi l'ambassadeur de France à Rome et évoqué «un acte grave, considéré totalement en dehors du cadre de la collaboration entre Etats frontaliers».
Le ministre français des Comptes publics, Gérald Darmanin, qui a la tutelle des Douanes, a annoncé dimanche son intention de se rendre à Rome pour «s'expliquer»avec les autorités italiennes.
Un local de la gare de Bardonecchia au centre des débats
Vendredi soir, une équipe de la brigade ferroviaire des douanes françaises de Modane était en contrôle sur le TGV Paris-Milan, indiquait samedi un communiqué signé de Gérald Darmanin. «Ces agents en uniforme et identifiés comme douaniers français ont suspecté un voyageur, de nationalité nigériane et résident italien, de transport in corpore de stupéfiants. En application de l'article 60 bis du code des douanes, les agents ont demandé à la personne si elle consentait à un test urinaire de détection de stupéfiants, ce qu'elle a accepté par écrit à 19h15», stipule le communiqué.
«Afin de réaliser ce contrôle dans des conditions de respect de la personne, les agents ont attendu l'arrivée du train pour utiliser le local attenant à la gare de Bardonnechia, mis à la disposition de la douane française en application des accords du bureau à contrôles nationaux juxtaposés (BCNJ) de 1990», estime le gouvernement. Les agents ont demandé à l'ONG d'accéder aux sanitaires pour effectuer le contrôle, qui s'est finalement avéré négatif, précise encore le communiqué
De son côté le ministère italien des Affaires étrangères a jugé «inacceptable» la conduite des douaniers français. Il a mis sur la table de récents échanges entre les douanes françaises et les chemins de fer italiens précisant que le local de la gare de Bardonecchia n'était plus accessible car désormais alloué à une organisation humanitaire.
Pour Salvini, «il faut éloigner les diplomates français»
«Au lieu d'expulser des diplomates russes, il faut ici éloigner les diplomates français», avait réagi avant toutes ces explications le président de la Ligue Matteo Salvini (extrême-droite), arrivé en tête des dernières législatives grâce à une coalition avec Silvio Berlusconi. «Avec nous au gouvernement, l'Italie relèvera la tête en Europe, nous n'avons pas de leçons à recevoir de Macron et Merkel, et nous contrôlerons nos frontières», a ajouté Salvini. Luigi Di Maio, chef du Mouvement 5 Etoiles (M5S, anti-système) arrivé en tête du scrutin, s'est démarqué en attendant les explications françaises et en tweetant sobrement que l'Italie avait bien fait de convoquer l'ambassadeur français pour «clarifier complètement» les faits.
Le station de ski de Bardonecchia (Piémont) voit arriver un flux régulier de migrants, même si les trains pour la France sont fortement contrôlés. Certains passent par la route d’un col, longue de 16 km, qui sépare Bardonecchia de Névache, le premier village Français.