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Grèves

Air France, hôpitaux, universités... Les autres foyers de contestation

Parallèlement à la SNCF, la colère monte dans plusieurs secteurs. Passage en revue des principales mobilisations.
Au centre de traitement des déchets d'Ivry-sur-Seine, mardi 3 avril. (Cyril Zannettacci pour Libération)
publié le 3 avril 2018 à 20h26

La concomitance des conflits fait-elle la convergence des luttes ? Alors que la grève à la SNCF a commencé mardi, d’autres secteurs bouillonnent ou sont déjà mobilisés. Tour d’horizon.

Universités

Montée en puissance

Les universités commencent à frémir. L’atmosphère n’est pas celle des bouillonnements de 1968, mais pour les étudiants en lutte contre la loi «orientation et réussite des étudiants» (ORE), qui organise la sélection à l’université, il y a du progrès. La semaine dernière, les universités mobilisées, comme Jean-Jaurès à Toulouse, l’étaient en ordre dispersé. Mardi, de plus en plus de sites ont voté des blocages, souvent dans un esprit de convergence des luttes. Les sites de Clignancourt (Paris-IV) et de Saint-Denis (Paris-VIII) sont bloqués. A Tolbiac (Paris-I), le blocage illimité a aussi été voté lors d’une assemblée générale réunissant plus de 1 500 étudiants, alors qu’à peine 300 suivaient les AG au début du mouvement. Puis quelques centaines d’étudiants ont rejoint le cortège des cheminots, gare de l’Est. A Lyon-II aussi, étudiants et cheminots ont manifesté ensemble.

Si la fac de droit de Montpellier, fermée le 23 mars après la violente agression des occupants par des personnes cagoulées, a rouvert mardi, le blocus de Paul-Valéry, débuté il y a un mois, est toujours en cours (lire page 3). A Nantes, le campus du Tertre a lui voté le blocage pour une durée illimitée. A Poitiers, blocage aussi à la fac de sciences humaines, comme à la fac de lettres de Nancy, où il a commencé la semaine dernière. A Nice, a été voté le blocus du site Valrose, qui réunit la faculté de sciences et le siège de la présidence de l'université : celui de Frédérique Vidal avant qu'elle ne devienne ministre de l'Enseignement supérieur.

Hôpitaux

Abattement général

Le malaise est là, présent, dense même, mais la mobilisation n'est franchement pas au rendez-vous dans le monde de la santé. Certes, en janvier puis à la mi-mars, il y a eu deux journées d'actions dans les Ehpad. Des journées qui ont reçu un fort écho médiatique, mais avec une faible réalité sur le terrain. Dans le monde hospitalier, le climat est plus brutal, mais il reste attentiste. Depuis quelques semaines éclatent quelques mouvements dans des services d'urgence, comme à l'hôpital Saint-André de Bordeaux ou dans les hôpitaux lyonnais, mais aussi aux urgences du centre hospitalier de Bourges ou à celles de l'hôpital de Trévenans, près de Belfort, mais ce sont des mouvements limités, malgré une forte résonance locale. Au niveau national, rien n'est prévu. «Le climat n'a jamais été aussi abattu», fait remarquer un militant de SUD santé des hôpitaux parisiens.

Air France

Les grévistes déterminés

Au quatrième jour d'un mouvement d'arrêts de travail intermittents, comme à la SNCF, la grève ne mollit pas chez Air France. Réunis dans une vaste intersyndicale, l'ensemble des personnels continue de réclamer 6 % d'augmentation générale cette année, là où la direction propose 1 % en deux fois après six ans de blocage des salaires. «On subit un gel depuis 2011, on demande juste un rattrapage de l'inflation, ce n'est pas une revendication mirobolante», explique Vincent Salles (CGT Air France), tandis que Philippe Evain, président du SNPL, le syndicat majoritaire des pilotes, juge que la compagnie «aurait mieux fait de redistribuer en pouvoir d'achat les 100 millions d'euros déjà partis en fumée en quatre jours de grève». Comme lors des trois précédentes journées de mobilisation, Air France affirme avoir assuré jeudi environ 75 % de ses vols, avec 32,8 % de grévistes chez les pilotes, 20,5 % chez les navigants commerciaux et 14,5 % au sol. Une participation équivalente à celle de vendredi, voire supérieure chez les pilotes, à l'inverse des grévistes au sol, moins nombreux. Alors que de nouvelles discussions sont prévues mercredi et jeudi, les dix syndicats à l'origine du mouvement amplifient la pression. Ils ont déposé un nouveau préavis pour les 10 et 11 avril, affirmant leur détermination.

Éboueurs

Un «printemps de luttes»

La création d’un «service public national» des déchets et la prise en compte de la pénibilité de leurs tâches. Au nom de ces revendications, la CGT des transports et des services publics a lancé un appel à la grève chez les éboueurs. Dans un secteur où la contestation monte, on a noté mardi divers degrés de mobilisation à Saint-Ouen, Aubervilliers, Pierrefitte, Issy-les-Moulineaux, Charenton, les Mureaux, mais aussi aux Pennes-Mirabeau, à Anzin, Morlaix, Dieppe, ainsi qu’à Ivry-sur-Seine.

Mardi matin, une cinquantaine d'éboueurs et égoutiers ont ainsi bloqué le passage des camions à la déchetterie Syctom Tiru à Ivry, le plus gros incinérateur européen de déchets. Les CRS sont rapidement intervenus, tandis que Jawad Mahjoubi (CGT services publics) a dénoncé «l'absence totale de dialogue social». Pour le syndicaliste, le mouvement des éboueurs, à Ivry et partout en France, n'est pas près de s'arrêter : «C'est une grève reconductible, et tout comme chez les cheminots, la détermination est forte. Il faut s'attendre à un printemps de luttes.» De leur côté, les éboueurs d'Ivry-sur-Seine l'assurent : «Nous serons encore en grève dans les prochains jours.»

Énergie

La FNME-CGT motivée mais isolée

La puissante Fédération nationale des mines et de l'énergie (FNME-CGT) a annoncé «trois mois de lutte pour gagner» chez les électriciens et les gaziers, du 3 avril au 28 juin. «Pour construire la mobilisation et travailler à la convergence des luttes», elle a prévu deux à trois «journées d'action» d'ici le 19 avril, date à laquelle la centrale appelle ses troupes, dans tous les secteurs, à «une journée interprofessionnelle d'action». Premier syndicat chez EDF et Engie (49,2 %), la FNME-CGT aligne son mouvement sur celui de la SNCF. Mais pour l'heure, elle fait cavalier seul, et le nombre de grévistes reste limité.

Derrière son soutien aux cheminots, la FNME-CGT demande «l'organisation d'un service public de l'électricité et du gaz» à rebours des «projets de privatisation» du gouvernement. Le syndicat pousse aussi d'autres revendications : les salariés du thermique se battent contre l'arrêt des dernières centrales à charbon, ceux de l'hydraulique veulent «faire barrage à la privatisation des barrages» et ceux de l'atome s'inquiètent des projets de fermeture de centrales nucléaires. Des AG devaient se tenir mardi et mercredi pour décider des modes d'action. «Nous serons dans l'action avec les cheminots, les salariés de Carrefour et tous ceux qui défendent leurs droits et leurs emplois, prévient Laurent Heredia, porte-parole de la CGT mines énergie. Nous avons une préoccupation commune : la défense du service public et son renforcement au service de tous.»