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Avec Olivier Faure, le Parti socialiste tente de se remettre sur les rails

Au congrès PS, organisé ce week-end en banlieue parisienne, les intervenants ont peiné à parler d’une seule voix sur la mobilisation des cheminots.
Les responsables socialistes lors du discours d’investiture d’Olivier Faure, samedi à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). (Photo Marc Chaumeil pour Libération)
publié le 8 avril 2018 à 20h46

Juste une mise au point. En pleine effervescence sociale, le congrès d'Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, avait plutôt mal commencé samedi pour Olivier Faure. Pour nombre de ses camarades socialistes, le premier secrétaire venait de commettre son premier faux pas, une erreur aussi idéologique que stratégique, en prenant ses distances avec la rue. Dans Libération, le nouveau patron du PS expliquait être contre toute récupération du mouvement social par les partis politiques. Soit, écrit noir sur blanc, un résumé du hiatus stratégique du PS pour les mois à venir : avancer des propositions de gauche qui ne se limitent pas à la protestation, (re)faire croire à l'idée d'une gauche de gouvernement après le quinquennat Hollande. Et donc, prendre le risque de se faire distancer par le reste de la gauche, de Hamon à Mélenchon en passant par Besancenot.

A l'orée d'une nouvelle semaine de grève dans les transports publics, les conseils, plus ou moins fraternels, affluaient vers les docks d'Aubervilliers. Dans les manifs, «faut y aller, bien sûr, mais pas se mettre devant sur la photo», recommandait dimanche matin l'ancien ministre du Budget Christian Eckert, membre émérite de la «team humilité» socialiste. «Je ne suis pas pour qu'on zappe le mouvement social, mettait en garde de son côté Luc Carvounas, étrennant son statut de nouveau héraut gauchiste du parti. Il y a un curseur à trouver : on ne peut pas se refaire la cerise sur les syndicats et leur combat, mais on ne peut pas rester à la maison.» A la tribune, les divergences ont pris les traits de l'ancienne députée vallsiste Marie Le Vern, qui s'est fait chahuter en expliquant que, pour les Français, les cheminots étaient des privilégiés, et du leader de l'aile gauche, Emmanuel Maurel, qui a réclamé que le congrès adresse son soutien officiel aux cheminots.

«En 4, en 10, en 100». Du coup, dimanche, entre deux gorgées de sirop antitoux et une série d'attaques contre Emmanuel Macron, Olivier Faure a réajusté le tir, faisant de l'explication sur son propre texte au beau milieu d'un discours touffu. Le mouvement social ? «Ce sont des salariés en lutte qui se rejoignent pour dire que l'humain a été abandonné, que l'aveuglement technocratique doit être stoppé, se lance le premier secrétaire sous l'œil d'une brochette d'anciens ministres, de Bernard Cazeneuve à Najat Vallaud-Belkacem. Les services publics sont l'humanité de cette société. Le mouvement social, nous en respectons l'autonomie mais nous l'accompagnons, nous le soutenons, nous y participons et nous le voyons prendre plus de force.»

Le 22 mars, lors de la première manifestation nationale des fonctionnaires, Olivier Faure et la délégation socialiste s'étaient retrouvés sous les huées, contraints de quitter le cortège. Avant de redescendre dans la rue, le premier secrétaire choisit de faire applaudir debout les cheminots et les fonctionnaires, sans totalement désapprouver le versant ouverture à la concurrence de la réforme, décidé sous Hollande. «Le gouvernement réforme n'importe comment, analyse Faure. Nous, nous rendons hommage au vrai courage, celui des hommes et des femmes qui se plient chaque jour en 4, en 10, en 100, pour remplir leur mission sans en avoir les moyens.» Pour la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, satisfaite, «sa volonté d'accompagner le mouvement social, c'est ce qu'on retient de son discours».

Mais le mécontentement persiste, preuve qu'il y a encore pas mal de pain sur la planche pour retrouver «la fraternité» et «l'unité» socialiste. «Je ne suis pas contre aller dans la rue, mais ce n'est pas là que les convergences se construisent. La rue n'est pas un objectif politique», prévient l'ancien ministre Stéphane Le Foll, arrivé derrière Olivier Faure lors de l'élection du premier secrétaire.

«Sous Xanax». De son côté, Julien Dray refuse l'invitation du député insoumis François Ruffin, qui appelle à un «débordement général» social le 5 mai. «Moi, je suis dans la rue le 1er mai, c'est ça la vraie date, pas besoin d'une autre», grommelle le roi de l'agit-prop, qui rêve que le Parti socialiste imprime un tract à un million d'exemplaires pour dénoncer la réforme de la SNCF et construire la solidarité entre cheminots et usagers.

A la tribune, Olivier Faure parle de lui et de son enfance dans les quartiers populaires d'Orléans, de ses réformes pour rénover le parti et de son positionnement «au centre de la gauche». «On dirait du Bayrou sous Xanax», balance un ancien socialiste branché sur le discours d'Aubervilliers. «Face au président des riches, il faut un parti pour tous les autres», proclame le premier secrétaire, qui accuse Macron d'avoir transformé «la République en marché».

Le reste de la gauche a droit à son paquet de punchlines, accusé de s'enfermer dans un rôle protestataire : «Qui est le plus à gauche, celui qui dit ou celui qui fait ? La surenchère verbale, elle a un mérite, elle ne coûte rien. Elle a un défaut, elle ne rapporte rien non plus.»