Le talent du négociateur repose en partie sur sa détermination, mais aussi sur sa capacité à lâcher opportunément des concessions via des canaux de discussion laissés ouverts. Un art périlleux qui tient autant au contexte qu'au talent personnel. Et qui exclut la moindre once de mépris pour la position adverse. Or, à quoi assistons-nous depuis le début du bras de fer entre le pouvoir politique et les syndicats sur le projet de réforme de la SNCF ? A un chef du gouvernement qui martèle à longueur d'interviews, et dimanche encore à la une du Parisien, qu'il «ira jusqu'au bout», fermant donc toute porte à la discussion, et à un «SNCF bashing» qui est en train d'aboutir à l'inverse de ce qui était escompté, c'est-à-dire à un resserrement des rangs, au sein de l'entreprise ferroviaire, face au pouvoir politique. Celui-ci a beau brandir des sondages qui, selon lui, seraient massivement de son côté, la réalité est plus ambiguë. Certes, une petite majorité des Français se dit favorable à la réforme, mais une partie tout aussi importante se déclare attachée à un service public qui est un des marqueurs forts du pays. On voit bien qu'aucune des deux parties n'a intérêt à lâcher du lest. Ni les syndicats, qui ont en ligne de mire les élections professionnelles prévues en fin d'année à la SNCF, ni le pouvoir politique, qui vit là sa première grosse crise sociale du quinquennat. L'exécutif a bien compris que l'acceptation des réformes programmées sur les quatre années à venir serait conditionnée par le succès ou l'échec de ce projet de transformation de la SNCF. Il pourrait arguer - et il y a fort à parier qu'Emmanuel Macron le fera jeudi en venant défendre le projet sur TF1 - que l'ouverture à la concurrence est de facto imposée par Bruxelles. Mais il ne s'agirait pas de transformer en épouvantail une Europe qui n'a pas besoin de ça. Le passage en force laisse toujours des traces, a fortiori quand le pays gronde.
Éditorial
Bras de fer
publié le 8 avril 2018 à 21h06
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