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Libération

Emmanuel Macron invité de choix au raout de l’Eglise catholique

publié le 8 avril 2018 à 20h46

Comme pour les mariages, il a d'abord fallu dresser la liste des invités. Et donc choisir parmi les 126 évêques en activité en France. Ce lundi soir, ils ne seront qu'une petite trentaine au collège des Bernardins, à Paris, pour la rencontre entre Emmanuel Macron et le monde catholique. Un événement inédit, et très couru. «Quiconque pense jouer un rôle dans le catholicisme voulait en être», estime un représentant de l'Eglise. Issus des milieux politiques, économiques, intellectuels ou associatifs, les invités ont été choisis parce qu'ils étaient représentatifs à la fois des milieux catholiques et de la société civile, assure-t-on dans les couloirs de la Conférence des évêques de France (CEF), organisatrice de l'événement. La liste ? Tenue plus ou moins secrète. Pour ne pas froisser ceux qui n'ont pas été conviés. Quoi qu'il en soit, ce ne serait pas un entre-soi catholique. «Nous n'avons pas demandé à nos invités leur certificat de baptême», précise Olivier Ribadeau Dumas, secrétaire général de la CEF.

Pour l'Eglise, en tout cas, s'affiche «une stratégie de visibilité», comme le remarque le sociologue des religions Philippe Portier. Une rupture avec la culture des années 60 et 70 qui favorisait une distance avec les politiques. «La rencontre des Bernardins est la mise en scène de la place spécifique que l'Eglise catholique entend encore occuper au sein la société française», analyse Portier. Pourtant, le catholicisme est bel et bien devenu minoritaire : un tiers des enfants d'une même classe d'âge est baptisé, contre 90 % il y a cinquante ans. Il n'empêche : l'Eglise pense toujours, d'après Portier, qu'elle «n'est pas un culte comme les autres».

Culte. Aux Bernardins, ce lundi, ce ne sera donc pas la version catholique du dîner du Conseil représentatif des institutions juives ou celui de la rupture du jeûne du Conseil français du culte musulman, auxquels Macron a déjà assisté. A travers plusieurs témoignages, l'institution catholique veut mettre l'accent sur le rôle qu'elle joue dans la société. En somme, une Eglise qui préfère s'afficher «pape François» (proche des pauvres et des déshérités) plutôt que «catholicisme identitaire», très marqué à droite et à l'extrême droite. Mais sans trop forcer le trait, non plus. La CEF ne fera pas témoigner de migrant. Elle est pourtant très investie sur le dossier, leur accueil étant une priorité du pape. En France, comme dans d'autres pays européens, l'Eglise est en conflit avec la politique de l'exécutif sur la question.

Au-delà des dossiers qui fâchent, la rencontre des Bernardins bénéficie, dirait un astrologue, d'un alignement favorable des planètes. Aurait-elle pu avoir lieu sous Hollande ? Sans doute pas. Le socialiste entretenait de bonnes relations avec les cultes, mais sur un mode de distance relative. «La question ne s'est pas posée», botte en touche Olivier Ribadeau Dumas. Avec Macron, c'est une nouvelle ère qui s'est ouverte. Le Président, qui a suivi sa scolarité dans un prestigieux établissement jésuite et qui a demandé à être baptisé à l'âge de 12 ans, ne cache pas son intérêt pour les religions. Depuis son élection, il a prononcé des discours devant chacun des principaux cultes. Et redessiné, par petites touches, les contours de la laïcité, en exprimant l'intérêt que représentait à ses yeux la contribution des grandes traditions à l'édification du bien commun. Quitte à faire grincer les dents dans les rangs des tenants d'une stricte laïcité.

Euthanasie. Pontier, le «patron» de la CEF, devrait rappeler à Macron quelques fondamentaux de l'Eglise, comme son hostilité à l'euthanasie. Sans pour autant évoquer, dans ce cadre-là, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Quant à Macron, qui pourrait se rendre avant l'été à Rome, il devrait réaffirmer la nécessaire contribution, à ses yeux, des cultes aux débats de société. Et féliciter l'Eglise pour son engagement sur les questions d'écologie depuis la publication, en 2015, de l'Encyclique du pape. Rien qui fâche, en somme.