Une actrice, Nathalie Baye, un chocolatier, Patrick Roger, l'ancienne patronne des patrons, Laurence Parisot et un élu parisien du Modem, Yann Wehrling : lundi matin, au musée de l'Homme, ce panel hétéroclite de personnalités s'est réuni autour de la primatologue Sabrina Krief pour exiger du gouvernement des actions pour «sauver les grands singes» de leur disparition programmée. Adressé aux ministres de la Transition écologique et des Affaires étrangères, mais aussi au président de la République, Emmanuel Macron, et décliné sous la forme d'un plan d'urgence, leur cri d'alarme invoque la «situation catastrophique» des sept espèces de chimpanzés, gorilles et orangs-outans qui peuplent les forêts tropicales d'Afrique et d'Asie du Sud-Est.
Selon les scientifiques, en l'espace de cinquante ans seulement, les populations de grands singes ont en effet diminué de près de 70% à cause des activités humaines comme la déforestation, l'agriculture intensive et le braconnage. Pire : dans un avenir très proche et si l'on ne fait rien, en gros d'ici 25 à 50 ans, les espèces de grands singes risquent toutes l'extinction à l'instar de 60% des espèces de primates. De sacrés arguments pour ne pas rester les bras croisés. «Nous sommes responsables de leur disparition, soulève à ce propos Sabrina Krief, or nous faisons partie de la même famille, celle des hominidés.»
«Actions concrètes»
Pour éviter cette «tragédie», celle qui observe les chimpanzés en Ouganda et ses soutiens préconisent dix mesures à mettre en œuvre en priorité. Cette liste d'«actions concrètes» se décline en plusieurs volets : c'est d'abord le renforcement des droits des grands singes et l'interdiction de leur utilisation dans les cirques (comme les autres animaux sauvages), dans les laboratoires ou à la télévision. «Il est temps qu'il y ait une loi en France qui donne un statut spécifique aux grands singes, ce serait un statut intermédiaire entre celui de l'Homme et des autres animaux reconnus aujourd'hui comme des êtres doués de sensibilité», précise pour sa part Laurence Parisot, présidente d'honneur du Medef, inspirée par une décision d'un tribunal argentin ayant reconnu en 2014 le statut de «personne non humaine» à une femelle orang-outan d'un zoo de Buenos Aires.
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En matière de lutte contre le trafic des grands singes, l'une des solutions promues par ce plan d'urgence est la création d'une station d'accueil pour les animaux saisis à l'aéroport de Roissy. Une mesure qui doit s'accompagner, selon la scientifique, d'un renfort des contrôles douaniers pour arrêter le trafic de viande de brousse en France. Suffisant ? Pas vraiment pour l'élu Modem Yann Wehrling, si on n'agit pas sur «nos consommations», autrement dit en limitant les importations de produits comme le cacao, le bois, le coltan (un minerai utilisé dans les fabrications des appareils électroniques), le thé ou l'huile de palme depuis les régions où vivent les grands singes et qui contribuent à la destruction ainsi qu'à la pollution de l'habitat des primates.
Enfin, ces personnalités entendent porter en 2019 une résolution à l'Unesco pour reconnaître aux chimpanzés, gorilles et autres orangs-outans un statut, certes symbolique, «d'espèces patrimoine mondial». Mais le temps presse, et la fenêtre de tir estimée à dix ans par la primatologue pour améliorer l'état de conservation des grands singes se referme de jour en jour. «C'est la biodiversité en général qu'on tente de défendre : si on n'est pas capable d'agir pour nos plus proches parents, alors qu'est ce qu'on fera pour les autres ?» déplore encore Sabrina Krief. A quelques semaines de la présentation de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (qui entend maîtriser l'impact de la consommation sur les forêts), elle espère que son appel sera entendu par Nicolas Hulot.