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Libération
Conflit social

La direction d'Air France fait un petit geste en direction des grévistes

Elle propose d'entamer une négociation sur les salaires pour les trois prochaines années assortie d'une hausse supplémentaire immédiate de 1% pour 2018 pour sortir du conflit, soit 2% au total. Les syndicats réclament de leur côté 6% de revalorisation salariale afin de rattraper un gel instauré en 2011.
AccorHotels envisage une "prise de participation minoritaire" au capital du groupe franco-néerlandais Air France-KLM​ (Photo Eric Feferberg. AFP)
publié le 10 avril 2018 à 20h26

Air France entrouvre la porte. Au sixième jour d'une grève par intermittence commencée il y a six semaines et alors que le conflit s'enlise et se durcit, la direction de la compagnie a fait un petit geste ce mardi soir en direction des grévistes. Elle propose l'ouverture d'une négociation pluriannuelle et intercatégorielle sur les salaires (2019-2021) à partir de jeudi et ce sans interruption jusqu'à la conclusion d'un accord. Il s'agit «d'apporter des réponses aux revendications exprimées et d'inscrire dans le temps des mesures que la compagnie ne peut supporter de façon brutale», a expliqué Franck Terner, le directeur général de la compagnie qui demande aux syndicats de suspendre leur mouvement le temps de cette négociation.

Afin de mettre un terme à un conflit qui a déjà coûté 170 millions d'euros à la compagnie avec en moyenne 30% des vols annulés chaque jour de grève, la direction d'Air France proposera d'appliquer une partie des mesures à venir dès le 1er avril 2018 en accordant 1% supplémentaire d'augmentation générale. Soit au total, une hausse générale des salaires de 2% pour 2018 après les 1% déjà accordés en février lors de la NAO, la négociation annuelle obligatoire. L'intersyndicale qui rassemble dix organisations représentant toutes les catégories de personnel réclame pour sa part 6% d'augmentation dès 2018. Une simple mesure de rattrapage du pouvoir d'achat selon elle après un blocage des salaires qui durait depuis 2011 dans la compagnie.

La direction avait chiffré à 240 millions d'euros cette revendication «déraisonnable» selon elle, soit plus de 40% du résultat d'exploitation dégagé en 2017. Une revalorisation qui d'après ses calculs viendrait s'ajouter aux 200 millions déjà accordés en février sous forme de hausse des rémunérations, d'augmentations individuelles et d'intéressement. «Dans le contexte actuel de compétition acharnée dans le secteur, aller plus loin reviendrait à détruire les résultats obtenus et fragiliser Air France par rapport à la concurrence», a expliqué Franck Terner qui estime à 3% à 4% la trajectoire de croissance attendue annuellement ces prochaines années.

Nouvelles concessions 

La direction propose en outre de poursuivre une négociation séparée avec les pilotes, à la tête du mouvement et qui détiennent la clé du conflit dans la mesure où eux seuls sont en mesure de clouer les avions au sol. Ces derniers réclament 4,5% supplémentaires, soit 10,5% au total en se basant notamment sur les augmentations obtenues par les pilotes dans d'autres grandes compagnies européennes comme la Lufthansa. «La négociation engagée depuis deux semaines avec les organisations représentatives des pilotes se poursuivra autour des thèmes spécifiques pilotes», explique la direction. Cette dernière s'est déjà dite ouverte à la discussion avec les pilotes mais en contrepartie de nouvelles concessions sur le périmètre de la compagnie et le développement de sa filiale low-cost Transavia France, aujourd'hui plafonnée à 40 avions.

La direction estime que son nouveau geste représente un effort immédiat de 40 millions d'euros. Mais elle reste loin du compte de ce que demandent les syndicats avec un différentiel de hausse de salaires qui représente encore un écart de l'ordre de 4% à 5% avec les personnels au sol et navigants commerciaux et de d'environ 8 à 9% avec les pilotes. Joint par Libération, un pilote a réagi en estimant que «cette proposition montre que les choses bougent, ce qui est positif sur le fond. Je pense qu'il y a matière à ce que les pilotes soient calmés, a-t-il poursuivi. Maintenant, tout dépendra de la façon de réagir de Philippe Evain [le tout-puissant patron du SNPL, le syndicat majoritaire chez les pilotes, ndlr] qui prendrait un gros risque à maintenir la grève parce qu'il pourrait être désavoué par la base.» Une nouvelle manifestation du personnel est prévue mercredi à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle au terme de laquelle l'intersyndicale des grévistes tiendra une réunion publique. On devrait alors en savoir plus sur leur réponse de la base à la timide avancée de ce mardi soir.