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Libération
Éditorial

ZAD : la tolérance évacuée

publié le 10 avril 2018 à 20h56

Des images à pleurer. Depuis lundi, les photos ou reportages télés de l’évacuation par les forces de l’ordre de la «zone à défendre» (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes sont à pleurer, et pas seulement parce qu’elles sont toutes enveloppées dans un nuage de gaz lacrymogène, massivement utilisé par les gendarmes. A pleurer car violentes, des blessés étant, après deux jours d’affrontements, à déplorer chez les zadistes comme chez les militaires. Scénario prévisible, inéluctable ? Il avait été annoncé par le gouvernement. Après avoir renoncé au projet d’aéroport, malgré les votes des élus et le référendum local qui l’avait approuvé, après avoir ouvert le dialogue avec une partie des occupants, dialogue refusé par certains militants, l’Etat avait prévenu qu’il ferait le nécessaire pour refaire de ce petit bout de France une zone de droit. Décidé à ne pas céder en rase campagne, il avait annoncé qu’il entendait rendre de nouveau accessible à tous une route départementale privatisée par quelques collectivistes autoproclamés de l’intérêt général.

Le gouvernement peut arguer que le droit comme la logique politique sont de son côté. Merci les zadistes, vous êtes gentils, vous avez gagné votre combat contre l’aéroport, maintenant, ça suffit. Fin de l’histoire.

Sauf que les zadistes ne l'entendent pas de cette oreille et qu'une autre question politique se pose derrière cette évacuation trop musclée : celle de l'acceptation de la marge dans une démocratie comme la nôtre. La force d'un Etat de droit… droit dans ses bottes, la vigueur d'une démocratie sûre d'elle-même, ne sont-elles pas justement d'accepter l'existence d'expérimentations, même illégales ? Qui peut prétendre que rien dans l'utopie à l'œuvre aujourd'hui sur la ZAD ne sera demain, dans dix ans, trente ans, cinquante ans, accepté comme des évidences par le plus grand nombre ? Loin d'ériger les zadistes en héros incompris, et notamment la frange la plus radicale qui peut parfois flirter avec la violence, il est juste inquiétant de constater la fragilité d'une démocratie qui, comme le dit une manifestante modérée dans notre reportage page 16, «a peur de deux ou trois carottes, mêmes illégales».