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Libération
Prison

Aux Baumettes 2, déjà un meurtre entre les murs

En décembre, un détenu a été laissé pour mort par cinq autres prisonniers sous l’œil des caméras de surveillance. Un «aveu d’impuissance» pour les gardiens.
Dans le cadre de la visite parlementaire du député Pierre Dharréville, en février à la prison des Baumettes de  Marseille. (Photo Olivier Sarrazin. Hans Lucas.)
publié le 11 avril 2018 à 19h16

C’est un triangle de béton d’une soixantaine de mètres carrés affublé du nom bucolique de «promenade». En arrière-plan, on aperçoit la roche ocre des calanques marseillaises, sorte de pied de nez de la liberté derrière le grillage. Ramses Xxxx, 21 ans, a perdu la vie ici, dans la cour de l’établissement flambant neuf des Baumettes 2. La scène remonte au mois de décembre durant la promenade quotidienne. Sur les caméras de surveillance, les gardiens voient le détenu violemment projeté au sol avant d’être roué de coups par cinq autres prisonniers. «L’alarme a été donnée immédiatement. Mais chaque agent était à son étage. On n’est pas assez nombreux, il nous a fallu environ 15-20 minutes pour intervenir», explique un surveillant contacté par Libé. Le temps de se regrouper et de s’équiper pour secourir la victime, il est trop tard : Ramses Xxxx est dans le coma. Il décédera un mois plus tard à l’Unité hospitalière sécurisée interrégionale, au sein de l’hôpital Nord de Marseille.

«C’était une agression d’une violence inouïe. Ils reprochaient à ce gars, qui est un peu instable, de faire du bruit la nuit», ajoute un autre agent. Guillaume Piney, le directeur du centre pénitentiaire insiste : «Une intervention, même anticipée de quelques minutes, n’aurait absolument rien changé au sort de la malheureuse victime. Elle est décédée des suites des coups extrêmement violents qui lui ont été portés, et non du fait d’être resté quelques minutes allongé sur le sol de la cour de promenade.» Une information judiciaire a été ouverte pour «assassinat». La vacuité du mobile ne semble pas faire de doute. «On n’est pas dans une logique de règlement de comptes, c’est ça qui est terrifiant», insiste Me Jérôme Pouillaude, avocat de l’un des suspects. Son client - «un petit trafiquant de stupéfiants» qui purge une peine de trois ans - a expliqué aux policiers que la victime était «insupportable», que les «choses ont dégénéré». «Pour nous, c’est un échec, un aveu d’impuissance. On est là pour assurer la réinsertion et la sécurité. C’est dramatique», soupire l’un des surveillants. Pour autant, la mort du détenu reste considérée comme «l’imprévisible», la conséquence d’une violence endémique, l’aveu d’une faiblesse de moyens que plus personne ne cherche à questionner. «On se heurte toujours à la même réalité : la capacité d’intervenir en sécurité. Il faudrait un nombre de surveillants suffisant que l’on n’a pas pour l’instant», résume le directeur avec fatalisme.