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Interview

NDDL : «Si on ne trace pas de voie politique, il n’y aura aucune victoire»

Notre-Dame-des-Landes, l'aéroport enterrédossier
Le député de la majorité LREM François-Michel Lambert appelle le gouvernement à une «pause» dans les opérations d'évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
Notre-Dame-Des-Landes, le 10 avril 2018. Après la destruction par les forces de l'ordre du lieu dit La Chèvrerie. (Photo Thierry Pasquet pour Libération.)
publié le 11 avril 2018 à 18h42

Alors que les gendarmes ont repris mercredi les opérations d'expulsion des occupants de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, le député LREM des Bouches-du-Rhône, François-Michel Lambert (ex EE-LV), a réclamé mardi soir une «pause». Il a été rejoint par son collègue de la majorité Matthieu Orphelin, député du Maine-et-Loire, lui aussi ancien EE-LV.

Pourquoi vous semble-t-il urgent de faire une «pause» dans les opérations d’expulsion ?

Il est urgent de trouver la voie politique dans ce conflit. Des personnes occupent illégalement une zone, et évidemment l'Etat de droit doit s'y rétablir. Mais l'anéantissement d'un camp par un autre, c'est la certitude que la voie du dialogue ne se trouvera pas. Et si un drame advenait, cela compliquerait toute capacité à construire une voie apaisée pour se projeter positivement dans le futur sur ce territoire, avec ceux qui le veulent. Même si j'ai bien conscience qu'une minorité vient davantage chercher la violence que construire quoi que ce soit. Si on ne trace pas de voie politique, il n'y aura aucune victoire. Et la voie politique nécessite le temps du dialogue. La pause le permettra.

Les zadistes semblaient d’ailleurs vouloir ce dialogue et construisaient des projets agricoles qui ont été détruits. Avec la destruction de la ferme des 100 noms, par exemple, une ligne rouge a-t-elle été franchie ?

Non, pas une ligne rouge, ne disons pas ce qui n'est pas. Par contre, c'est peut-être une étape supplémentaire dans l'escalade du conflit. Je n'étais pas encore engagé en politique à l'époque mais j'ai en tête ces mots du Président François Mitterrand : «Il faut donner du temps au temps.» C'est l'idée de la pause : donnons du temps au temps politique. Car le temps de l'action physique, de la répression, n'est pas celui du temps politique. J'ai une certitude : la victoire sera physiquement du côté de l'état de droit, et c'est normal. Mais j'ai aussi une inquiétude : la victoire qui consiste à ne pas fracturer la société et à aller ensemble de l'avant n'est pas encore gagnée.

Quelle est la position de votre groupe à l’Assemblée nationale ? Avez-vous réussi à convaincre certains de vos collègues ?

Je ne cherche pas à convaincre. Cette après-midi dans l'hémicycle, il y a eu une ovation debout pour Edouard Philippe et Gérard Collomb au sujet de Notre-Dame-des-Landes. Environ un quart des députés LREM, dont moi, ont applaudi par respect de notre majorité mais ne se sont pas levés. Quelques-uns m'ont dit qu'effectivement, il faut une pause. D'autres n'ont pas du tout la même perception.

Ces députés seraient-ils prêts à se joindre à vous de façon plus formelle ?

Non, il n'y a pas de construction de quoi que ce soit. Même si l'un ou l'autre venait me dire «je me joins à quelque chose», je lui dirais «il y a une expression, un questionnement, mais il n'y a pas de structuration de quoi que ce soit». Ce qui nous rassemble, c'est le programme et rien que lui, on n'a pas de vécu ensemble, ce qui fait que dans des éléments conjoncturels d'actualité, non inscrits dans le programme, chacun se repositionne.

Pour certains, cette opération musclée est une démonstration de force symbolique reflétant la vision de la tête de l’exécutif, qui ne laisserait pas de place aux alternatives. Car ce qui se construisait à NDDL, c’est une société différente, plus écologique, plus solidaire, moins dépendante des marchés financiers… Qu’en pensez-vous ?

Je dis simplement : attention à ne pas faire de victoire à la Pyrrhus. L'anéantissement de 200 ou 300 personnes sur place, dont une trentaine de caillasseurs violents qu'on retrouve dans beaucoup de manifestations, ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est l'anéantissement d'une certaine utopie, qui concerne des centaines de milliers de personnes, une partie de la société.

Ce que nous sommes en train de faire, c’est une rupture avec eux. C’est pour cela que j’appelle à la pause et au dialogue avec tous ces anonymes qui, partout en France, remplissent par exemple les salles pour écouter le paysan philosophe Pierre Rabhi. Beaucoup de ces gens sont très à gauche, mais certains sont aussi au centre, ils votent, ont voté Macron… Un anéantissement voire pire, un drame, nous couperait pour longtemps de ces personnes, nous n’aurions plus de dialogue. Et au-delà, au sein même de la majorité, cela créerait une tension ou un ressenti qui perdurerait. C’est une responsabilité politique.

Avec cette opération, Macron s’adresse clairement à la France de droite…

Je ne sais pas si c'est à la France de droite… A la France d'un certain populisme, du «y'a qu'à faut qu'on, passons au sujet suivant». Mais malheureusement, la politique, c'est beaucoup plus complexe, c'est du temps long. On serait dans un conflit armé dans un autre pays, on ferait une pause, on discuterait, peut-être que la négociation aboutirait et sinon on réavancerait. Je mets des gros guillemets, mais l'art de la guerre a toujours inclus des temps de pause et de négociation. Et c'est au plus fort de le faire, or aujourd'hui le plus fort, c'est l'Etat, le gouvernement, c'est de sa responsabilité.

On n’entend pas Nicolas Hulot sur le sujet. L’appelez-vous à intervenir ?

Non, ce n'est pas le moment. Je reprends le parallèle avec l'art de la guerre. On ne demande pas à l'administration, aux ingénieurs divers et variés de commencer à bâtir alors que le conflit est encore en cours. Puisqu'on parle beaucoup d'agriculture durable à NDDL, il viendra comme un ingénieur agronome lorsque la situation sera apaisée. Aujourd'hui, qui va l'écouter, quel va être son message, va-t-il cramer sa capacité à bâtir ce projet alternatif qui est attendu ?

Cette évacuation donne l’impression que ce projet alternatif ne plaît pas à Emmanuel Macron et Edouard Philippe…

C'est votre impression, pas la mienne.