Promis juré, Bernard Tapie «va rembourser», c'est lui qui le proclame. Mais quand ? Jeudi, la cour d'appel de Paris, saisie par le parquet, a annulé le «plan de sauvegarde» aux petits oignons que lui avait mitonné en juin 2017 le tribunal de commerce en première instance: remboursement étalé sur six ans, rien à payer la première année. Sa «probabilité d'exécution n'apparaît pas sérieuse», tranche l'arrêt de la cour, faute de «liquidités disponibles significatives» ou d'un «prévisionnel pertinent».
L'équation est a priori simple. Le CDR (organisme public chargé de solder les anciens litiges entre l'homme d'affaires et le Crédit lyonnais) brandit une créance de 440 millions d'euros: soit les 404 millions de dommages et intérêts que lui avait adjugés en 2008 une sentence arbitrale depuis annulée en justice, agrémentés d'intérêts de retard. En face, Tapie dispose de 80 millions en banque et de cinq biens immobilliers évalués à 175 millions. Le compte n'y est donc pas, loin de là. Sauf qu'en retour, le bonhomme argue de créances inverses: 33 millions sur le fisc, qui avait pris sa dime sur la sentence arbitrale entre-temps annulée; 129 millions contre le CDR lui-même, qui avait autrefois récupéré ses actifs industriels sans rien payer. Le solde net à rembourser serait alors plus raisonnable: 278 millions. D'autant que le CDR semble avoir entre-temps commis une boulette procédurale qui pourrait lui coûter 117 autres millions au passage. Le net du net étant alors largement dans les cordes de Tapie, fût-ce sur six ans.
La Cour admet un «contexte juridique complexe», mais estime que les actions en cours initiées par l'homme d'affaires en vue de réduire son ardoise finale seront longues et incertaines, «sans assurance qu'elles donnent lieu à paiement ou compensation dans les délais» du plan de sauvegarde initialement prévu. Contrairement à ce que réclamait le parquet, elle n'a toutefois pas jugé utile de le placer illico en liquidation judiciaire, c'est-à-dire en faillite. Retour donc prochain à la case tribunal de commerce, qui devra décider ou non de le maintenir en procédure de sauvegarde, de la convertir en plan du même nom ou en liquidation... En ce dernier cas, le CDR et le fisc, les principaux créanciers de Bernard Tapie, ne seraient pourtant pas assurés de retrouver leurs fonds dans les plus brefs délais, bien au contraire. Car il existe bien des procédures de liquidation qui traînent en longueur sur des années, voire des décennies. Et le «contexte judiciaire complexe» évoqué par la Cour est bien parti pour dépasser le seuil des six ans, du moins si l'état de santé de Bernard Tapie le permet.