Veillée d’armes sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes. Plusieurs milliers de personnes sont attendues ce dimanche dans ce site autogéré de 1600 hectares, au nord de Nantes, en réaction à l’expulsion ces derniers jours d’une partie des occupants. Malgré l’abandon par l’Etat du projet de construction d’un nouvel aéroport, le gouvernement n’a pas renoncé à en déloger les centaines de personnes qui y résident au quotidien, certains depuis plusieurs années.
Samedi matin, les affrontements se poursuivaient près du lieu des «fosses noires», pour le contrôle de la petite route entre la D281 (ancienne route des chicanes) et la D81. Plusieurs dizaines de grenades assourdissantes et lacrymogènes ont été tirées par les gendarmes sur la cinquantaine de zadistes qui en contrôlent l'accès. Sans résultats pour les forces de l'ordre. Cette route, ardemment défendue, sera d'autant plus difficile à reprendre qu'elle est jonchée, parfois tous les 200 mètres, de solides barricades et de divers dispositifs destinés à compliquer la progression des forces de l'ordre.
Destructions suspendues
Depuis jeudi, néanmoins, le gouvernement considère qu'il a rempli ses objectifs (29 habitations détruites), et devrait donc suspendre les destructions. La préfète de Loire-Atlantique, Nicole Klein, a même proposé vendredi aux zadistes d'entamer des démarches, d'ici le 23 avril, pour régulariser leur situation, via un formulaire simplifié. Un changement de pied qui n'a pas entamé la détermination des habitants et de leurs soutiens. «Hier soir (vendredi soir, ndlr) à l'assemblée générale, on était près de 400, soit deux fois plus que d'habitude, rapporte Jipé, la soixantaine, sur la ZAD depuis juillet. Ça bouge, on s'attend vraiment à du monde demain, les gens ont été choqués par la violence des destructions entamées lundi».
Et notamment par celle des «Cent noms», un lieu pourtant porteur d'un projet agricole solide. Au point d'attirer des personnes qui n'avaient jamais mis les pieds sur la ZAD. «Ça fait un moment que je m'intéresse à ce qui se passe ici. Et puis il y a eu les expulsions. J'ai hésité, et finalement j'ai sauté dans ma voiture, raconte Pascal, 47 ans, développeur informatique, arrivé mercredi du Vivarais (Ardèche). Je pensais que c'était violent, mais pas que c'était la guerre à ce point-là, c'est un peu surréaliste».
«Rétablir l’équilibre»
Jacquou, lui, a fait la route d'une traite depuis Béziers, dans la nuit de mercredi à jeudi. «J'étais jamais venu. Mais je trouve dégueulasse de détruire les habitations des gens. J'ai vu l'appel aux renforts sur les réseaux sociaux et j'ai pas hésité», explique ce jeune de 24 ans, sans emploi, les yeux encore gonflés de fatigue. Même chose pour Nathan, 30 ans : «Ça faisait un moment que je voulais découvrir la ZAD. Ce qui m'a décidé, ce sont les expulsions. Quand j'ai entendu qu'ils étaient 2500 gendarmes contre 250 zadistes, j'ai voulu rétablir un peu l'équilibre».
Chargé de fundrising dans le monde associatif, il est venu «défendre une solidarité non marchande, et le droit à vivre de manière alternative» car «il est essentiel, dans le monde actuel, que cette alternative existe». Dimanche, ils seront tous là pour protéger la ZAD. Certains repartiront le lendemain, d'autres prévoient de rester une semaine ou quinze jours. «Quand on voit l'énergie collective qui se dégage ici, c'est dur de repartir… », confie Pascal.